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A Milan, le design sous toutes ses formes

Le Salon international du meuble a fermé ses portes dimanche soir. Entre grandes marques de mobilier, fabricants d’automobiles et projets d’écoles, la notion d’objet diffère.

Le Salon international du meuble de Milan a officiellement fermé ses portes dimanche soir. Depuis hier, à deux pas du gigantesque centre d’exposition de Rho, c’est l’Expo Milano 2015 qui a pris le relais avec ses pavillons internationaux et son Barnum universel organisé autour de la nourriture. L’aliment, c’était aussi un thème récurrent durant la Design Week milanaise. Pas forcément du côté des grandes marques de mobilier, qui restent davantage attachées à la forme plutôt qu’au fond. Il faut dire que les éditeurs marquent le pas depuis plusieurs années. Le secteur du meuble doit encaisser les uppercuts de la crise. Du coup, les maisons limitent leurs nouveautés dans les catalogues ou accélèrent leur stratégie de réédition.C’est le cas de Cassina, qui n’en finit plus de décliner l’Esprit nouveau de Le Corbusier, dont il est l’éditeur officiel du mobilier.

Cette année, la marque italienne a demandé à la star espagnole Jaime Hayon d’entrer en communication spirituelle avec l’architecte suisse. Il en a tiré une série d’objets noirs très beaux mais assez intrigants, à la marge entre la sculpture moderne et l’ustensile tribal. D’autres maisons se diversifient. Moooi, boîte néerlandaise fondée en 2001 par les designers Marcel Wanders et Casper Vissers, inaugurait sa première collection de tapis imprimés selon une technique numérique haute définition. Les modèles vont du trash excitant au monochrome apaisant. Ils sont dessinés par le top du design contemporain venu du nord (Studio Job, Front, Jurgen Bey) mais aussi par les Chinois Neri & Hu, voire par le client lui-même, les carpettes pouvant être dessinées en do-it-yourself. Au rayon des choses extraordinaires, c’est Nendo qu’il fallait visiter. Le collectif japonais que tout le monde s’arrache présentait d’un coup une année de production design. 100 objets pour 19 marques, tous de la meilleure eau.

Milan l’inégalable

Des éditeurs ont néanmoins brillé par leur absence. Le danois Hay, nouvelle valeur montante du design scandinave, pourtant massivement présent l’année dernière, a visiblement passé son tour. La multiplication des foires explique ainsi que certains opèrent des choix. Car, même si Milan reste l’axe central du design mondial, Stockholm, Londres et Paris forment une vraie concurrence. Des voix s’étaient d’ailleurs récemment élevées pour contester cette suprématie milanaise et annoncer l’agonie du design italien. Pour le designer anglais Jasper Morrison, qui vient là depuis 1979, il ne fait aucun doute que c’est toujours ici que les choses se passent. La preuve? La foultitude de secteurs pour qui le salon sert aussi de vitrine. Comme les horlogers, les entreprises d’électronique domestique et les fabricants d’automobiles qui débarquent toujours plus nombreux dans la capitale lombarde. Audi et Peugeot s’y rendent depuis longtemps, suivis par Mini, Lexus ou encore Jaguar. En 2015, Formitalia s’est associé avec Aston Martin pour développer une gamme de meubles luxueux complètement raccord avec le constructeur de bolides britannique.

Et l’alimentaire dans tout ça? On y vient. Dans le quartier de Tortona, Ikea installait un pop-up store avec restaurant à boulettes et ustensiles de cuisine. L’ambiance kitchen éphémère était pensée par Paola Navone, Matali Crasset et le Studio Irvine & Thomas Sandell. Du côté des écoles, les nourritures étaient moins terrestres. Les institutions encouragent davantage leurs étudiants à explorer le vecteur sociologique du design qu’à en reproduire les archétypes. Peu de chaises et de lampes dans les présentations. Mais des projets de recherches qui réfléchissaient sur l’implication des objets dans notre quotidien. L’Academy d’Eindhoven, d’où sont sortis, et sortent encore, les designers parmi les plus intéressants du moment, invitait ses diplômés à travailler avec des déchets organiques. Marqué en lettres orange fluo à l’entrée, un énorme et provocateur «Eat Shit» annonçait la couleur. Après une semaine de salon du meuble, le design, ça se digère aussi.

Author : Emmanuel Grandjean pour LE TEMPS

Photo : Les très atmosphériques tables en verre du studio japonais Nendo pour la marque Glas Italia