Début février, le Mobilier national accueillait une trentaine de nouvelles pièces de designers dans sa collection. Une acquisition comme une nouvelle preuve de sa volonté à développer son soutien à la création contemporaine. Retour sur l’histoire passionnante d’une institution ancestrale, typique de l’exception culturelle française.
Drapeau français volant au vent et grandes colonnes surmontées du nom des lieux en lettres dorées : le 1 rue Berbier-du-Mets a de quoi impressionner ses visiteurs. Bienvenu au Mobilier national. Entre ces quatre murs à l’architecture surprenante – signée par le maître du béton armé Auguste Perret – reposent 4 siècles d’histoire soit 7 ateliers de restauration, 8 manufactures et près de 130 000 objets textiles et mobiliers ! Des chiffres susceptibles de donner le vertige et suffisant à traduire l’ambitieuse mission du Mobilier national depuis sa création : sauvegarder et faire vivre la création française de tout temps.
Eloïse Trouvat publié le 11 février 2022 pour Marie Claire Maison
… Ceci est un article deLe Mobilier national, un garde-meubles un brin spécial
Un flash-back s’impose. Direction l’Ancien Régime et ses résidences royales nombreuses et meublées souvent sur-demande grâce à un service d’intendance royale. En 1663, Louis XIV et Colbert ordonnent l’institution du Garde-Meubles de la Couronne, avec un double souci : celui de la gloire et celui de la gestion patrimoniale. L’Histoire étant pleine de soubresauts et de changements de régime, l’institution, tout en gardant ses missions d’origine (à savoir la conservation et la restauration de pièces uniques) changera de nom et évoluera au fil des décennies. Dans la seconde partie du XX ème siècle, sous l’impulsion d’André Malraux, Ministre de la Culture emblématique, elle mettra un point d’honneur à développer son soutien non seulement aux savoir-faire français mais aussi à la création contemporaine avec notamment la création de l’ARC, un atelier de recherche et de création.
Chiffres grandiloquents et appartenance royale puis républicaine ont souvent fait de l’ombre aux nombreuses activités bien ancrées dans leur époque menées par l’institution. « Le Mobilier national c’est quatre siècles de créations made in France, une incroyable accumulation de strates créatives mais aussi un formidable tremplin pour la jeune création » aime à préciser Loic Turpin en charge de la communication de l’illustre adresse. Depuis plusieurs années, ce haut lieu du patrimoine français – devenu établissement public administratif depuis le 1 er janvier 2022 – cherche à dépoussiérer son image, ou plus exactement à mieux raconter la variété de ses missions.
En coulisses, 340 femmes et hommes créent et restaurent des dizaines de milliers de meubles et d’objets destinés à l’ameublement et au décor des édifices publics en France et à l’étranger. Les manufactures des Gobelins et de Beauvais sont vouées à la tapisserie, la manufacture de la Savonnerie au tapis, les ateliers du Puy-en-Velay et d’Alençon à la dentelle. L’Atelier de Recherche et de Création – l’ARC – promeut la création et le design contemporain en France. Sept ateliers de restauration se répartissent les différentes spécialités du bois, du métal et du textile. Une sorte de village au coeur de la grande ville.
Un soutien apporté à la jeune création et aux oeuvres contemporaines reflets de l’époque
Oeuvrer pour hier et pour aujourd’hui à grand renfort de savoir-faire unique tel est le crédo actuel du Mobilier national. L’institution s’est montrée très active et à l’écoute des acteurs du design durant la pandémie. En février 2022, une trentaine de pièces de mobilier (assises, luminaires, bureaux…) ont rejoint les collections de l’illustre maison. Exceptionnelle, cette campagne d’acquisition a été réalisée en deux volets. « Avec la crise sanitaire, il était de notre devoir de soutenir les créateurs et de leur offrir la visibilité qui leur manquait suite aux nombreuses annulations des salons et autres grandes foires internationales, explique Loic Turpin. On a donc acquis plusieurs oeuvres pour leur faire bénéficier d’une autre sorte de belle vitrine : celle de l’Elysée ou d’autres grandes institutions. En 2021, nous avons pérennisé cette action en augmentant le nombre d’acquisitions ».
Bureau « Sidobre » aux matériaux vernaculaires signé Dimitry Hlinka, banquette « L’Ecoucheur » réalisée en lin brut imaginée par Pauline Esparon, petit meuble « Henri » issu d’anciens bureaux d’écoliers pensé par l’Atelier Emmaüs… La commission a pris soin de sélectionner des oeuvres représentatives des enjeux contemporains en matière de design que ce soit par les matériaux employés ou les techniques utilisées. Ces pièces signées par des designers de tous âges et horizons racontent une époque. Elles sont le reflet d’un monde entrain de se déconstruire pour réinventer une manière d’habiter plus consciencieuse et respectueuse des matériaux employés. « Cette entrée dans nos collections c’est une très belle carte de visite pour les designers sélectionnés » justifie le chargé de communication.
En parallèle à ces nouvelles acquisitions, le Mobilier national a entrepris une vaste campagne de restauration pour soutenir les savoir-faire en voie de disparition. Il développe également des ateliers pédagogiques à destination des plus jeunes avec Le Petit Mob’. Sans compter des présences remarquées à Bruxelles pour présenter la gamme Hémicycle, prototypée au sein de l’ARC et imaginée par le designer Philippe Nigro puis éditée par Ligne Roset mais aussi à la foire d’art contemporain Zona Maco au Mexique avec le « Nuage de pixels » imaginé par Miguel Chevalier et A+A Cooren, un projet conçu dans les ateliers le Mobilier national. L’institution française multiplie ainsi les actions pour toucher le plus grand nombre et souhaite s’aventurer toujours davantage hors de frontières hexagonales pour faire rayonner les savoir-faire français et le patrimoine made in france… « La spécialité du Mobilier national c’est de sauvegarder, créer et expérimenter. Nous somme assez atypiques c’est vrai comme institution sur l’échiquier mondial. Il n’y a pas d’équivalence. Les américains sont souvent bluffés par notre existence, notre fonction de sauvegarde du patrimoine, confie Loïc Turpin. Au même titre que le cinéma ou le livre, Le Mobilier national fait pleinement partie de ce qu’on appelle l’exception culturelle française ». Une précieuse particularité qui suscite à l’étranger fantasme, admiration et, on serait tenté d’ajouter, envie.
- Auteur de l’article : Eloïse Trouvat
- Source de l’article : https://www.marieclaire.fr/maison/
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Vignette de l’article : Crédit photo Thibaut CHAPOTOT
Pertinence et intérêt de l’article selon [[ designer.s ]] :
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(i) . Informatif