Revue de presse » *** Un Conseil national du design, à quoi ça sert ? La réponse de sa présidente, Sandra Rey

*** Un Conseil national du design, à quoi ça sert ? La réponse de sa présidente, Sandra Rey

Après l’invitation de cent designers à l’Élysée par Emmanuel Macron, qui a déçu certains professionnels, Sandra Rey, présidente du Conseil national du design et fondatrice d’une entreprise spécialisée dans la “bioluminescence”, fait le point.

Sandra Rey n’a que 31 ans, mais elle est déjà en pleine lumière. Il faut dire que cette designer bardée de diplômes a fondé une entreprise spécialisée dans la « bioluminescence », Glowee. Elle est aussi depuis décembre dernier présidente du Conseil national du design. Cette structure consultative créée par le gouvernement en septembre 2021 rassemble représentants des organisations professionnelles, acteurs de la diffusion et de la promotion du design, enseignants et directeurs ou directrices d’écoles, designers et chefs d’entreprise. Mais pour faire quoi ? La question se pose après le discours d’Emmanuel Macron aux designers le 20 janvier dernier, qui a suscité une tribune de l’APCI (Association pour la promotion de la création industrielle), regrettant que tous les représentants de cette profession si diverse n’aient pas été traités à égalité lors de la soirée élyséenne. Les éclaircissements de Sandra Rey.

… Ceci est un article de Xavier de Jarcy pour Télérama

Qu’est-ce que Glowee ?

C’est une start-up de biotechnologie environnementale qui s’appuie sur un phénomène naturel, la bioluminescence, c’est-à-dire la faculté qu’ont beaucoup d’organismes vivants à produire de la lumière : les lucioles, les vers luisants, certains champignons, et 80 % des organismes marins. Notre objectif est d’en faire un mode d’éclairage biosourcé et biodégradable produit à partir de bactéries marines. Nous cherchons à réduire l’impact environnemental de l’éclairage public avec une gamme de mobilier urbain bioluminescent. Et nous voulons aussi augmenter l’attractivité des villes en jouant sur l’imaginaire poétique que cette lumière suscite et sa qualité d’ambiance conviviale et apaisante, qui va permettre de dessiner une nouvelle philosophie de l’éclairage dans le paysage urbain.

“Notre rôle est de conseiller le gouvernement sur une politique nationale à mener autour du design”

Cette lueur bleu-vert est une lumière d’appoint ?

Aujourd’hui, lorsque les municipalités procèdent à la piétonnisation des rues, à l’aménagement des espaces verts, elles conservent souvent une approche traditionnelle en utilisant des lampadaires conçus pour l’éclairage des rues et la circulation automobile. Mais il existe d’autres besoins : la lumière sert aussi à guider, à produire un sentiment de sécurité, à mettre en valeur. L’idée n’est pas de remplacer un lampadaire par la bioluminescence, mais de repenser la manière dont on éclaire. C’est pour cela que nous créons du mobilier urbain : un outil de signalétique, des assises, un point rassembleur qui donne de l’ombre la journée et éclaire la nuit.

Comment ça marche ?

Le système fonctionne un peu comme un aquarium. Nous faisons en sorte que les bactéries produisent de la lumière en continu en leur apportant des nutriments grâce à un flux électrique. Sur les phases de production et de fin de vie de ce dispositif, cette solution est très avantageuse, car elle ne produit aucun déchet. En matière de pollution lumineuse, sur laquelle nous travaillons beaucoup, et de consommation énergétique, l’objectif est, a minima, de rester au même niveau que ce qui existe.

Pourquoi avez-vous accepté de présider le Conseil national du design ?
Étant designer de formation, l’enjeu de faire comprendre ce métier et de l’utiliser au mieux dans la transformation de notre société est pour moi une évidence. Soutenir l’écosystème du design me paraît donc extrêmement pertinent. Ensuite, d’un point de vue plus personnel et professionnel, cette nouvelle expérience, très porteuse de sens, est un challenge qui me permet aussi de me replonger dans le monde du design, puisque je suis passée d’étudiante à cheffe d’entreprise il y a maintenant sept ans.

“Quand je parle de soutenir le design, cela concerne aussi ses acteurs”

À quoi va servir cette structure ?

Notre rôle est de conseiller le gouvernement sur une politique nationale à mener autour du design. Tous les membres du bureau travailleront ensemble sur la manière dont cette discipline peut aider à répondre aux grands enjeux de demain, et sur la façon dont le gouvernement peut soutenir cette profession pour qu’elle apporte le maximum de valeur ajoutée sur le plan économique ou culturel. Nous rendrons un rapport annuel de préconisations au ministère de la Culture, à celui de l’Économie et au Premier ministre.

Quelles sont les pistes de réflexion ?

Nous sommes en train de constituer des commissions thématiques. Mi-mars, à l’issue de notre prochain comité, nous aurons défini les grands sujets à traiter pour la première année, sachant que j’ai un mandat de deux ans. Cela peut concerner la transition énergétique, l’égalité sociale, l’industrialisation, l’utilisation du design comme outil de transformation dans l’éducation.

Il y a aussi la question de la reconnaissance des designers. Ils touchent des revenus très faibles et n’ont pas de statut clairement défini…
Bien sûr ! Quand je parle de soutenir le design, cela concerne aussi ses acteurs, avec des statuts, des réglementions, des financements.

Vous avez un budget très limité. Comment allez-vous faire ?

Il ne s’agissait pas de nous donner une carte blanche budgétaire. Nous sommes d’abord un organe de conseil, et l’objectif de la première année est d’émettre ce rapport. Les recommandations qu’il contiendra seront aussi budgétaires. Dans une deuxième phase, notre travail sera de convaincre l’État de passer à l’action sur les points que nous aurons préconisés, avec évidemment les budgets qui vont en face.

À propos de la soirée du 20 janvier à l’Élysée, l’APCI a publié une tribune regrettant que le bureau du Conseil national du design n’ait pas été invité…
Je représente ce Conseil et j’ai bien été invitée. Cet événement a pu avoir lieu en pleine crise sanitaire, avec des mesures très restrictives. Cent lauréats étaient conviés, mais tout le monde n’a pas pu l’être. La soirée était organisée par l’association VIA [Valorisation de l’innovation dans l’ameublement, ndlr], et c’est très bien. L’APCI regrette que d’autres formes du design n’aient pas été mises en valeur, mais je pense que nous devons rester solidaires. Ce n’est pas parce qu’on parle d’un type de design que les autres n’existent pas. Le Conseil national en représente tous les aspects. Emmanuel Macron a évoqué son existence dans son discours, et le fait que le président de la République se soit emparé du sujet va peut-être nous débloquer des portes. Je vois plutôt le verre à moitié plein !

Vignette de l’article : Sandra Rey, présidente du Conseil national du design. Photo Courtesy of Sandra Rey

Pertinence et intérêt de l’article selon [[ designer.s ]] :

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(i) . Informatif