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**** Le design peut-il sauver le monde ?

De la conception de vêtements à celle d’emballages en passant par le mobilier, le design responsable fait aujourd’hui parler de lui. Avec quel impact ?

Trier ses déchets, c’est bien. Ne pas avoir à s’en soucier, c’est mieux. Et c’est là qu’intervient la notion de design durable, qui prend de plus en plus d’ampleur ces dernières années. Objectif : intégrer la fin de vie du produit dès sa conception, pour limiter son impact néfaste. Une logique que l’on retrouve avec le Clever little bag de Puma, une boîte intégrant un sac réutilisable utilisant jusqu’à 65% de carton en moins ou encore le logo écologique de Citeo, avec un taux d’encrage réduit de 50%.

 

  … Ceci est un article de Vincent THOBEL pour L’ADN

 

En finir avec les vieux modèles

« Le design durable est la partie consciente et responsable de l’impact environnemental, économique, social et culturel de la production, rappelle Eugenia Morpurgo, designer et enseignante à l’Académie des Beaux-Arts de Milan. C’est une pratique qui tente de résoudre les problèmes locaux et mondiaux actuels et qui consiste à protéger l’environnement en responsabilisant les communautés tout en favorisant des environnements polyculturels. » Et cela nécessite d’inclure toutes ses parties prenantes.

Le design est peut-être une affaire de designer, mais le durable est l’affaire de tous. Toutefois, le secteur jouerait selon de vieilles règles devenues obsolètes. « Nous sommes dans une transformation des valeurs. Il y a une nouvelle forme de regard sur les matériaux : le spectaculaire, le clinquant qui étaient prédominants ces dernières décennies deviennent aujourd’hui quelque chose de passé, note ainsi Carola Moujan, designer et chercheuse. Toutefois, même si les jeunes designers ont une nouvelle approche, l’industrie est toujours organisée autour de vieilles valeurs et les sollicite pour travailler à l’ancienne. Cela changera très lentement. Mais est-ce que ce sera assez rapide ? »

Intégrer le designer en amont de la réflexion

Mais pour que le design soit responsable, il est nécessaire d’intégrer les designers dès la réflexion du projet. Une chose rare car ce corps de métier est généralement convoqué une fois le produit pensé. « L’expérience montre que la plupart du temps, les designers ne sont pas convoqués à participer à cette réflexion suffisamment en amont. Ils répondent généralement à des idées déjà bornées dans un périmètre. Ils peuvent cependant proposer des idées, selon leur sensibilité, pour tenter d’amener du durable. En tout cas, ils essayeront de plus en plus », affirme la chercheuse française.

Pour Eugenia Morpurgo il serait également nécessaire que l’entreprise remette en question certains principes. « Les designers peuvent aider les entreprises à se tourner vers des productions plus durables lorsqu’elles parviennent à établir une collaboration à long terme avec l’entreprise et si elles sont impliquées dans la reconsidération du processus de production dans son ensemble, et non pas exclusivement dans la formalisation des produits ».

Le design mérite-t-il une bonne correction ?

L’état des lieux fait par Eugenia Morpurgo et Carola Moujan est sans appel. Pour inclure le design durable dans les rouages vieillissants de l’industrie, il est donc nécessaire de changer plusieurs choses. Carola Moujan pense que « les designers ne sont pas au bon endroit pour réfléchir aux questions de process, sur le long terme, à des questions plus politiques, de production, d’usage. Pour que le design puisse intervenir avec impact, il faudrait un changement en profondeur. Il faudrait plus de moyens dans la recherche qui est quasiment inexistante en France. »

Un modèle à revoir dans sa globalité. De sa façon de penser à sa façon d’investir. « Le problème est aussi économique. La transition vers des modèles de production et de consommation durables nécessite des investissements et une réduction des bénéfices à court terme. Quelque chose que beaucoup d’entreprises ne sont pas disposées à faire », confie Eugenia Morpurgo.

Alors, le design peut-il sauver le monde ou le monde du design doit-il d’abord être sauvé ? Non, rétorque Carola Moujan. De son côté, Eugenia Morpurgo est plus optimiste : « Si le monde peut encore être sauvé, les designers peuvent contribuer à la tentative de sauvetage, mais uniquement s’ils collaborent au sein d’équipes interdisciplinaires et prennent des positions radicales sur des questions économiques, sociales et politiques. »

 

 

Cet article a été sélectionné par designer.s dans le cadre de sa veille éditoriale et intégré à sa revue de presse européenne francophone !

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