Capitaine d’industrie, Elizabeth Ducottet mène tambour battant l’internationalisation de son entreprise.
Thuasne n’a pas attendu le numérique pour être innovante. En 1900, l’entreprise implantée en Rhône-Alpes recevait un prix à l’Exposition universelle. Plus d’un siècle plus tard, elle est devenue l’un des acteurs majeurs du textile technique médical et emploie 2.200 salariés à travers le monde. Entre-temps, les dirigeants ingénieurs se sont succédé pour adapter l’entreprise à ses nouveaux marchés, tout particulièrement entre les années 1950 et 1970. Décryptage de ce « business case » stratégique.
A l’étranger, filialisation, rachat ou partenariat
A la suite d’un accident de son père, Jean Queneau, en 1991, Elizabeth Ducottet prend au pied levé la direction de cette entreprise de taille intermédiaire pour incarner la cinquième génération. Première femme présidente de l’ETI, son cap est clair : l’international. « Depuis 2000, nous ouvrons une filiale à l’étranger par an », déclare-t-elle. Aujourd’hui, c’est 40 % du chiffre d’affaires qui est réalisé hors de l’Hexagone. Un pourcentage assez rare pour être souligné. « Les ETI françaises sont malheureusement peu in ternationalisées », pointe Elise Tissier, directrice de bpifrance Le Lab. A l’étranger, Thuasne choisit soit de créer ses filiales en propre ou de racheter des entreprises, soit de signer des contrats avec des distributeurs locaux. Evidemment cela prend du temps. « Rien ne se fait à grande vitesse. Il faut regarder précisément avant d’agir, car chaque marché est très national », explique la présidente.
Stricte gestion d’un portefeuille de brevets
Cette ouverture à marche forcée vers l’international serait vaine sans un catalogue de produits innovants. Pour mettre au point des dispositifs médicaux, des ceintures lombaires ou des genouillères ligamentaires, Thuasne consacre 5 % de son chiffre d’affaires de 225 millions d’euros à la R&D. Objectif : déposer cinq à six brevets par an. « Grâce à un logiciel, nous suivons scrupuleusement notre portefeuille de brevets pour ne rater aucun renouvellement, explique Matthieu Ducottet, directeur de l’innovation. Le but n’est pas d’entretenir une rente, mais de garder une longueur d’avance sur nos concurrents. » L’engagement de Thuasne, qui cofinance des thèses d’étudiants de l’Ecole des Mines de Saint-Etienne destinées à répondre à ses besoins industriels, en est une illustration.
Délicate collaboration start-up-ETI
Thuasne innove aussi en nouant des partenariats avec des grands groupes ainsi que des start-up . Mais collaborer avec ces dernières nécessite quelques précautions préalables, prévient Matthieu Ducottet. Récemment, Thuasne a développé une semelle connectée en collaboration avec la start-up Fitme afin de mesurer la pression plantaire. « Ca n’a pas été forcément une grande réussite commerciale », confesse le directeur de l’innovation. Il pointe des problèmes de communication entre la start-up très agile voulant aller très vite et l’ETI régie par des procédures déjà codifiées. « L’intérêt des ETI familiales à collaborer avec les start-up ne se fait pas toujours sur les mêmes bases que les groupes non familiaux, décrypte Rania Labaki, directrice de l’Edhec Family Business Centre. En cas de rachat de la start-up, ces derniers vont chercher à la faire fructifier pour augmenter la valeur de l’action tandis que les ETI vont s’inscrire dans le long terme et mener des actions en cohérence avec les valeurs de la famille. » Thuasne ne jette pour autant pas l’éponge. Elizabeth Ducottet prépare une montée au capital d’une start-up, sans en dire davantage.
Une marque employeur attractive en dépit de la concurrence
Outre les rachats ou les accords académiques, « recruter est un bon moyen d’internaliser de nouvelles compétences, explique la présidente. Nous avons relativement peu de difficultés à le faire, la région Rhône-Alpes étant très riche en profils scientifiques et technologiques ». « Le problème est que tous nos concurrents sont également implantés ici », temporise son fils. Quoi qu’il en soit, Thuasne, à l’instar des ETI françaises, évolue dans un marché de l’emploi tendu sur les profils techniques. 57 % des PME-ETI françaises disent manquer de talents, d’après une étude de bpifrance . « Au-delà de 250 salariés, ce chiffre monte à 66 % », précise Elise Tissier. Pour Elizabeth Ducottet, l’atout de Thuasne, c’est sa taille humaine, sans organisation trop lourde, qui suscite l’intérêt de jeunes scientifiques.
Autofinancement
L’autre exploit de la société est d’avoir maintenu un capital 100 % familial, depuis sa création en… 1847. L’autofinancement a toujours permis de mener à bien les projets, en sus de partenaires bancaires de longue date. « Les entreprises familiales préfèrent avoir recours, par ordre de priorité, à l’autofinancement puis aux prêts bancaires, explique Rania Labaki. Elles font sans cesse face à ce dilemme : favoriser la création de valeur financière ou l’harmonie familiale. L’ouverture peut être une source de discorde. »
Succession en vue
Enfin, au bout de vingt-sept ans à la tête de l’entreprise, Elizabeth Ducottet en est devenue le symbole. « L’engagement de la dirigeante a été déterminant dans la réussite de Thuasne », affirme Elise Tissier, avant de souligner la puissance de ses réseaux. Comme pour beaucoup de patrons d’ETI, ce sont les rencontres entre pairs organisées par des cercles de dirigeants de type APM qui favorisent les connexions et les échanges de bonnes pratiques. « Pour un dirigeant, rien n’est plus légitime qu’un autre dirigeant », conclut la directrice du think tank de bpifrance. Bien qu’emblématique, cette figure de proue de l’industrie devra un jour passer la main. Outre son fils à la tête de l’innovation, deux autres enfants ont intégré l’entreprise. Sa fille, Delphine Hanton, occupe le poste de directrice générale déléguée. Lui succédera-t-elle ? Elizabeth Ducottet élude : « Je ne sais pas, mais sa position actuelle est tout à fait centrale. »
Auteur : FLORENT VAIRET pour les Echos
Vignette de l’article : La stratégie d’exportation menée par Elizabeth Ducottet porte ses fruits : Thuasne réalise 40 % de son chiffre d’affaires à l’international. – Martin Colombet/hanslucas
Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !
***** Exceptionnel, pépite
**** Très intéressant et/ou focus
*** Intéressant
** Faible, approximatif : Il manque un paragraphe « Innovation, stratégie et DESIGN », le design qui existe bel et bien chez Thuasne
* Mauvais, très critiquable
(i) . Informatif