Revue de presse » Créer une douzaine de Centres de design en France (2/2)

Créer une douzaine de Centres de design en France (2/2)

Sur les territoires des grands « clusters » technologiques, le design industriel, celui qui est nécessaire à l’industrie du XXIe siècle, occupe une place souvent marginale : peu d’agences, peu de formations adaptées. Ainsi, dans la douzaine de concentrations identifiées, à une ou deux exceptions près, les offres de formation en design (quand elles existent…), sont disparates, le plus souvent artistiques ou théoriques, illisibles pour les entrepreneurs.

CRÉER UN « HUB » DU DESIGN AU CŒUR DE CHAQUE GRANDE CONCENTRATION TECHNOLOGIQUE

A l’instar des grands campus technologiques mondiaux, l’idéal aurait été de créer dans nos « clusters » de nouvelles écoles de design dédiées au « nouveau monde industriel », de véritables foyers de création et d’innovation. Mais l’état des finances publiques rend l’idée irréaliste. Aussi, il faut imaginer un autre dispositif : les Centres de design. Ils se situent au cœur de chaque grand « cluster », en périphérie des institutions existantes mais articulés à elles. Le mot design est entendu ici plus dans son sens anglais (conception) que dans son sens français dominant (art décoratif), mais l’exigence d’originalité, d’esthétique et de style y serait présente.

Un Centre de design est un « hub » : il met en réseau des entreprises, des agences, des laboratoires, des établissements d’enseignement, des incubateurs, des fablabs professionnels ou des « makerspaces » quand ils existent, et ajoute des dimensions et des moyens complémentaires à une échelle qu’aucune entité, seule, ne pourrait atteindre dans ces champs de la conception et de la fabrication innovantes. Il confère aussi une visibilité accrue au « cluster ». Au cas où certains de ses membres auraient pris localement des initiatives de même nature, alors le Centre de design, loin de les contrarier, leur apporterait des éléments additionnels et les mettrait en réseau pour aller collectivement plus loin. Le Centre aurait donc aussi, dans ce cas, une fonction d’aiguillage des projets.

LE CENTRE DE DESIGN EST UN POINT REMARQUABLE DANS L’ESPACE D’UN « CLUSTER »

Un Centre de design est un point d’entrée pour les entreprises, notamment les PME et les start-up, qui souhaitent trouver rassemblés les acteurs pertinents, dotés de moyens nécessaires pour aller de l’idée au quasi-objet, voire à l’objet final, dans les délais les plus courts et aux coûts les plus réduits possibles.
C’est un point d’entrée pour les agences de design, parfois lointaines, qui peuvent soit être directement impliquées dans des projets d’innovation, soit participer à l’encadrement d’étudiants.

C’est un point d’entrée pour des laboratoires et leurs structures de transfert et de valorisation, notamment les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), pour une exploration des usages possibles de connaissances, pour une preuve, ou une épreuve de concept, pour une pré-maturation de projets d’innovation.
C’est un point d’accueil et de regroupement, sur des durées adéquates, de designers, en particulier d’élèves qui souhaitent entrer pendant leur cursus dans le « nouveau monde industriel ». C’est aussi un point de ralliement d’étudiants d’autres spécialités, notamment d’élèves-ingénieurs et d’étudiants en sciences et techniques.

LE CENTRE DE DESIGN EST UN LIEU DE FORMATION À LA CONCEPTION INNOVANTE

Dans un Centre de design, on travaille sur des projets de nouveaux objets (produits, systèmes, services, machines) et de nouveaux usages. Des projets réels qui trouvent là les conditions de leur accélération. Ils sont commandités par des entreprises, des laboratoires ou des institutions publiques et mobilisent des concepteurs aux profils divers, des étudiants en master (ingénieurs, technologues, designers, pour l’essentiel), encadrés par des professionnels. Des spécialistes et des étudiants en sciences humaines et sociales (sociologie et anthropologie notamment), en sciences de gestion (marketing en particulier) sont, autant que de besoin, intégrés aux équipes de concepteurs. Des projets de cette nature ne relèvent pas de la sensibilisation, ils ne se conduisent pas en temps espacé comme cela se pratique ici ou là, ils mobilisent des équipes pluridisciplinaires sur une longue période. Un étudiant au niveau master, par exemple, collabore au Centre de design au moins à mi-temps et sur au moins un semestre universitaire.
Ces projets, complétés par des enseignements choisis, sont aussi le cœur de formations nouvelles dédiées à des designers déjà diplômés. Le Centre de design, en effet, est aussi un lieu où des designers formés dans l’univers du design d’édition, ou graphique ou d’espace, viennent après leur cursus se préparer à entrer dans l’industrie de ce siècle. Des parcours d’une année en post-diplôme sont proposés à ceux qui veulent s’atteler à la conception innovante dans des secteurs de pointe, santé, mobilités, énergies, éducation, faisant appel à des technologies avancées. Ces parcours accueillent aussi des ingénieurs diplômés (ou équivalents), créatifs, agiles, qui veulent s’orienter vers le métier en devenir d’ingénieur-designer.

UN INVESTISSEMENT D’AVENIR

Evidemment un Centre de design a un coût. C’est d’abord un investissement pour l’avenir. Aussi le Commissariat général à l’investissement devrait-il, par un appel à projets, soutenir cette initiative qui concerne a priori une douzaine de territoires où se concentre l’essentiel de nos forces technologiques. Les régions concernées seraient aussi mobilisées. Dans le modèle économique d’un Centre, les contrats passés avec des entreprises, dont des PME accompagnées par Bpifrance, des institutions publiques, des SATT et des grands instituts de recherche, participeraient pour une large part à couvrir ses coûts de fonctionnement. Les apports en nature des membres du « cluster » y contribueraient aussi.

Author : Alain Cadix [ancien directeur de l’ENSCI-Les Ateliers, conseiller technologie et design au CEA / CEA Tech, membre de l’Académie des technologies] pour l’Usine Nouvelle