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*** Innovation : déposer un brevet, pourquoi c’est utile

Le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) rappelle toute l’importance de déposer ses marques et surtout de protéger ses innovations par un brevet.

Que fait-on à l’INPI ?

Romain Soubeyran. Notre coeur de métier est d’instruire et de délivrer les demandes de titres de propriété industrielle : les brevets pour ce qui est technologique, les marques mais aussi les dessins et modèles pour protéger le design. Nous avons récemment ajouté les indications géographiques artisanales et industrielles comme le granit de Bretagne. C’est l’équivalent des appellations d’origine contrôlée (AOC) mais côté artisanal et industriel.

Quels sont les critères de validation ?

Pour les marques, le dépôt coûte 200 € et assure une protection pour 10 ans, renouvelable. Il ne doit pas y avoir un risque de confusion dans l’esprit du consommateur. LVNH n’existe pas, mais la méprise pourrait être grande. C’est un motif d’invalidation. Pour Mont Blanc, le nom existe pour les crèmes dessert et les stylos. Or, ces deux entreprises n’ont rien à voir et leurs domaines d’utilisation ne se superposent pas. C’est donc possible. En réalité, on est propriétaire d’une marque seulement pour une catégorie de services associés. Au total, il y a plus d’1,5 million de marques vivantes en France et 88 500 demandes en 2016.

Et pour les brevets ?

On peut innover sans nécessairement déposer un brevet. Les innovations financières ou liées à un business model ne se protègent pas de cette façon. En revanche, celles à but technique le sont, à condition d’être originales et d’avoir une application industrielle. Beaucoup d’innovateurs décident de parler de leur idée dans une publication académique ou de la présenter à des clients pour trouver des fonds, puis décident ensuite de la breveter. Or, dès lors que cette idée a déjà été diffusée, elle n’est plus brevetable. D’où les efforts de l’INPI pour promouvoir la culture de la propriété industrielle de façon précoce. Contrairement à l’Allemagne ou aux Etats-Unis, la France n’a pas cette culture du brevet. D’ailleurs, le nombre de dépôts est stable dans notre pays, avec 16 200 l’an passé, et en hausse au niveau européen.

«Déposer un brevet coûte 520 € et moitié moins cher pour les PME et les start-up». Qui sont les principaux déposants ?

Le dépôt de brevets étant corrélé à la puissance industrielle, on retrouve sans surprise les groupes du secteur de l’automobile et de l’aéronautique dans le top 10 des déposants de brevets en France.

Que couvre la protection de l’INPI ?

Dès lors qu’ils sont acceptés, les brevets sont enregistrés et on délivre un titre de propriété industrielle. La protection est alors assurée en France. L’entreprise peut étendre son titre en Europe ou à d’autres pays dans un délai de 12 mois. On conseille aux sociétés de se renseigner sur l’existence d’un brevet similaire pour éviter les mauvaises surprises. Une PME peut un jour recevoir une lettre recommandée d’une autre entreprise qu’elle ne connaît pas lui disant : « Nous avons découvert que vos produits sont en contrefaçon des brevets que nous avons déposés. Nous vous interdisons de continuer à produire ». La PME doit négocier une licence ou, dans le pire des cas, tout arrêter. Déposer un brevet coûte 520 € et moitié moins cher pour les PME et les start-up. En revanche, le prix du conseil en propriété industrielle qui va rédiger celui-ci est plutôt de l’ordre de 3 000 à 5 000€.

Pour innover en interne, les grands groupe développent l’intrapreneuriat. À qui vous adressez-vous ?

À des dirigeants d’entreprise pour les aider à avoir une stratégie sur ce domaine. Notre réseau territorial est de 120 personnes. On renforce aussi notre action auprès des étudiants en école d’ingénieur ou de commerce. Les grandes entreprises, celles de plus de 1 000 salariés, sont nos interlocuteurs traditionnels puisque 57 % des brevets en proviennent. Ceux déposés par les PME et ETI représentent 29 % et le reste sont des inventeurs indépendants. On a signé un nouveau contrat d’objectif et de performance avec le ministère chargé de l’Industrie pour élargir notre domaine d’intervention aux start-up, aux incubateurs et accélérateurs. On est présent à Station F (NDLR : l’incubateur initié par Xavier Niel) à travers la French Tech. Nous développons la formation car la conscience de l’importance de la propriété industrielle en France est très insuffisante.

«Les brevets donnent confiance aux investisseurs». Quels sont les enjeux pour une start-up ?

Les fondateurs de start-up préfèrent plutôt chercher des clients ou des investisseurs que s’occuper de propriété industrielle. Attention car, par exemple au bout de 4 ans, quand la société marche très bien et que son capital a été dilué après plusieurs levées de fonds, transférer le titre de propriété industrielle à l’entreprise la rend plus intéressante aux yeux d’investisseurs mais fait perdre la propriété du brevet à son fondateur. Tandis que garder les titres tout en créant une licence pour la start-up, cela permet de conserver la pleine propriété et gagner des royalties.

Les brevets sont-ils un accélérateur de croissance ?

Ils rendent plus crédibles l’innovation et donnent confiance aux investisseurs. Cela a un impact sur la croissance de l’entreprise.

Quelles actions menez-vous vis-à-vis de la contrefaçon ?

C’est l’une de nos missions. On s’appuie sur notre réseau, dont la couverture nous permet d’assurer une assistance sur 68 pays au total. Si une entreprise française s’implante à l’étranger, elle peut s’adresser à ces délégués pour mesurer les risques de contrefaçon et savoir comment s’en protéger. Quand on identifie des contrefaçons, on va informer l’entreprise concernée mais c’est elle qui engagera, le cas échéant, des poursuites.

4 000 € pour assurer une veille concurrentielle

Afin d’aider les entreprises à bien identifier leurs points forts et leurs zones de faiblesse, l’INPI a développé un nouvel outil de veille concurrentielle sous forme d’une cartographie topographique. « Il s’agit de traitement Big data appliqué aux brevets », explique Romain Soubeyran, le directeur général.

Un chef d’entreprise veut, par exemple, connaître les outils de diagnostic des maladies cardio-vasculaires. Le système va extraire tous les brevets qui en traitent, environ 30 000. Les algorithmes de Big data procèdent alors à une analyse sémantique de chacun d’eux et en dissèquent tout le contenu. Émerge alors une carte, sur laquelle chaque brevet est positionné, domaine par domaine. S’il en existe plusieurs sur une même connaissance liée à ces maladies, cela se matérialise par un pic et quand il y a des zones avec peu ou pas de brevets, cela donne des creux. Il est donc possible de comparer les siens et ceux de ses concurrents. « Cela existait déjà dans les grands groupes, souligne cet ingénieur de formation, mais notre objectif est de populariser cet outil, qui coûte entre 3 000 et 4 000 € selon l’offre, notamment parmi les PME et ETI. Mon ambition est que des opérateurs privés prennent ensuite le relais avec des offres similaires, de façon à passer à d’autres projets autour du Big data ».

Auteure : Virginie de KERAUTEM pour Le Parisien

Vignette de l’article : Romain Soubeyran, directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle.LP/ARNAUD DUMONTIER

Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !

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