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La France, en voie de « colonisation numérique » ?

Arrêtons-de tourner le dos à notre avenir, qui sera numérique… ou ne sera pas ! Nicolas Colin livre des pistes pour que nous soyons en mesure de créer les richesses et les emplois de demain.

Le numérique dévore le monde… et la France n’arrive pas à changer de paradigme ! »

Tel est le cri d’alarme lancé par Nicolas Colin – cofondateur de l’incubateur The Family et co-auteur avec Henri Verdier de « L’âge de la Multitude ». Dans un rapport publié ce lundi par le think tank Terra Nova – « La richesse des nations : après la révolution numérique » – cet expert et praticien du numérique livre la description la plus aboutie jusqu’ici des mécanismes de cette nouvelle économie disruptive, du retard de la France à s’y adapter… et des chances à saisir pour ne pas se contenter d’être un « pays colonisé » par les maîtres du numérique.

Oui, explique Nicolas Colin, la transition numérique lamine les classes moyennes, contribue à la raréfaction des emplois et au creusement des inégalités. »

Mais la « résistance active », que lui opposent nos élites hexagonales, marquées par « l’incompétence et l’entre-soi », ne fait qu’aggraver ces effets destructeurs.

Nicolas Colin poursuit :

Si nous ne réagissons pas, nous risquons le déclassement économique. »

Car par « effet réseau », les entreprises les plus agiles croissent de manière exponentielle, deviennent rapidement dominantes et installent des cercles vertueux qui les transforment rapidement en monopoles et oligopoles (« The winner takes all »). Celles qui, comme le fameux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon), ont su « faire alliance avec la multitude » – c’est à dire pratiquer l’innovation permanente et industrialiser la personnalisation de produits et services de qualité et bon marché – sont celles qui créent de la valeur. Au détriment des entreprises traditionnelles, qui voient leurs marges s’éroder et leur clientèle fuir. Car le tsunami numérique amplifie la globalisation et intensifie la concentration géographique de la valeur dans quelques pays : Etats-Unis, Chine, Israël.

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La France passe à côté

Face à ce défi, la France n’a jusqu’ici su déployer qu’une politique visant à la relance d’une économie traditionnelle : baisse du coût du travail, réduction de la protection sociale, tour de vis sur les dépenses publiques, protection des rentes installées… Totalement contreproductif à l’ère du numérique ! Pour l’auteur, ni le laissez-faire libéral ni la relance néo-keynésienne ne peuvent répondre à la révolution numérique :

Le décalage entre les termes du débat public et la prégnance de la transition numérique est devenu effrayant et intolérable ! »

Ce décalage alimente en particulier la dérive vers l’extrémisme politique : Tea Party, Ukip, Podemos, Cinq Etoiles, Front national et fondamentalismes en tous genres… Il y a donc urgence à repenser une action publique au service de l’innovation de rupture, la seule à même de générer les emplois de demain, explique Colin.

Heureusement, tout n’est pas foutu, puisque « dans de nombreuses filières de l’économie globale, les positions dominantes n’ont pas encore été prises par des entreprises américaines ou chinoises ». Notamment la santé, le textile, l’énergie, le bâtiment, l’agriculture, le luxe, la banque, l’assurance, les transports publics ou les services urbains… Autant de secteurs où la France devrait avoir l’ambition de construire les géants numériques de demain.

Trois grands axes de réforme

Que faire pour armer le pays face à ces défis quasi-existentiels ?

Nicolas Colin dégage trois grands axes de réforme :

Réformer le financement des entreprises
Il faut déplacer le centre de gravité des financements des banques vers le capital-investissement, en particulier le capital-risque. Notre épargne est abondante, mais elle doit être incitée à se diriger vers l’innovation plutôt que l’immobilier.

Favoriser l’essor des start-ups
Et notamment en abaissant les barrières réglementaires et en ouvrant les données publiques. Or jusqu’ici le gouvernement a plutôt fait l’inverse, sous l’influence des lobbies des puissances installées dans le taxi, l’hôtellerie, la banque, la librairie…

Inventer la protection sociale 2.0
Il faut assurer les citoyens contre les nouveaux risques pesant sur des parcours professionnels plus divers, discontinus et multiformes. Dans l’économie numérique, les individus vont être de plus en plus – successivement ou simultanément – salariés, travailleurs indépendants, vacataires, entrepreneurs, bénévoles, utilisateurs d’applications de l’économie collaborative.  »  Il faut donc un système de protection sociale adapté à cette nouvelle intermittence, qui touche plus de monde, plus souvent. Un système capable lui aussi de « relever le défi de la personnalisation à grande échelle ». Un chantier prioritaire sur lequel les entrepreneurs du numérique doivent déployer leur capacité d’innovation !

Author : Par Dominique NORA pour http://tempsreel.nouvelobs.com/