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La France peut-elle changer de culture design ?

[Article du 24 octobre 2013] Contrairement à ce qu’affirme Alain Cadix, chargé de la mission design, la France a une culture du design. Ce ne serait juste pas la bonne. Mais comment en changer ?

« La France n’a pas de culture design ! » C’est le postulat de base du mémoire « Pour une politique nationale de design », qu’Alain Cadix, chargé de la mission design, a remis à Arnaud Montebourg et Aurélie Filippetti, le 15 octobre lors des 2e rendez-vous du design. En poursuivant la lecture du document, on finit par comprendre qu’en fait la France n’a juste pas la bonne culture design. Et que lorsque Alain Cadix et le collège de 22 designers, qui ont co-signé ce mémoire, vont jusqu’à parler « d’inculture design », il s’agirait en fait de design industriel. Dont la définition-même ne semble néanmoins pas si claire.

De fait, dans la culture française, le mot design se confond aujourd’hui quasi systématiquement avec style. L’usage du design semblant limité aux arts décoratifs et aux arts ménagers. Le défi d’une « politique nationale de design », si elle existait, ne serait donc pas tant de donner une culture design à la France, que de lui en faire changer. Ce qui est peut-être encore plus compliqué.


SORTIR LE DESIGN DES GALERIES

Car comme le pointe le document, le mot design « tient ses racines dans la langue française ». Et l’on sait comment l’Histoire, en France, peut être encombrante. D’ailleurs, puisque le design relève – encore – dans l’Hexagone, d’une double tutelle ministérielle Culture/Industrie (Redressement productif pour le moment), si le premier Rendez-vous du design avait été organisé à Bercy, le second a inauguré la nouvelle salle de conférence du Palais de Tokyo. Et, preuve que le design existe bien dans la culture française sur le plateau, sept chaises et fauteuils de grands designers, sortis des collections nationales ! Las, cette culture du design d’édition, élitiste, qui finit dans les musées n’est pas celle dont a besoin la France pour son redressement productif. Il faut donc en changer.

GROS PROBLÈME DE DÉFINITION

Mais de quelle culture design la France a-t-elle besoin ? Facile ! Le principe numéro un « pour une politique nationale de design » est : « ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement ». En fait, pas si facile que ça. Car les auteurs semblent incapables de donner une définition. Ils avancent bien celle de « l’international Council of Societies of industrial Design », pour immédiatement la trouver incomplète et finalement renvoyer aux designers la mission d’expliquer à leur interlocuteur ce qu’est le design ! Heureusement, qu’il y a quelques verbatims d’industriels, qui parlent le mieux des effets du design, à défaut d’en donner une définition.

Mais alors, lorsque la mission design veut développer un volet design dans l’éducation artistique et culturelle transmise dans les écoles, de quel design va-t-on parler ? Le design de service ou d’interface sera-t-il aussi éligible dans le crédit d’impôt innovation ? Et si l’on veut que les pages design des magazines ne soient plus limitée aux beaux objets, quelles autres belles histoires de design peut-on leur proposer ?

PAS DE CULTURE DESIGN SANS CULTURE NUMÉRIQUE

Pour compliquer le tout, il apparait qu’insuffler une nouvelle culture design en France va de paire avec une nouvelle fierté industrielle, comme y travaille La fabrique de l’industrie. Or redonner « le goût de l’industrie », « le gout de faire », ne peut se réaliser sans prendre en compte la révolution numérique en cours. Le mémoire met d’ailleurs sur le même plan numérique et design comme catalyseurs du redressement productif. Mais sans malheureusement pousser plus avant la réflexion. C’est pourtant l’une des pistes principales de travail à explorer, pour définir quelle culture design la France doit acquérir. Car on ne peut plus travailler sur ce qu’a été l’industrie, mais sur ce qu’elle est en train de devenir. Et aucun des groupes de travail du collège des designers ne semble travailler sur ce sujet. Peut-être parce que pour eux, c’est une évidence. On veut y croire.

Author : Aurélie BARBAUX pour L’Usine nouvelle