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La France pionnière du Lifi, la lumière Internet

Le Lifi, nouvelle technologie française, permet d’échanger des données informatiques grâce à une ampoule LED. La RATP prévoir d’en équiper tous les couloirs du métro parisien d’ici à 2020.

Une nouvelle révolution technologique s’apprête à bouleverser notre vie quotidienne. Grâce au Lifi, pour « Light Fidelity », une simple ampoule LED installée sur la voie publique ou sur une lampe de bureau peut en effet permettre d’échanger des données – texte, images, vidéos… – avec un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Autrement dit, le Lifi permet d’utiliser la lumière artificielle pour se connecter à Internet, sans fil. Exactement comme le WiFi mais gratuitement, à une vitesse 100 fois supérieure et sans ondes électromagnétiques. « Le Lifi ne va pas faire disparaître le WiFi ou le GSM [3G, 4G…], mais viendra les compléter. Les services spécifiques qui en découleront restent à découvrir. L’étendue des champs d’application est immense », précise Suat Topsu, l’inventeur.

Ce professeur de physique atomique à l’université Paris-Saclay a eu une illumination en 2005. Au sein de son laboratoire d’ingénierie des systèmes de Versailles (LISV), il travaillait sur les futurs véhicules sans conducteur. « Renault, avec qui j’étais en discussion, voulait mettre des bornes WiFi sur ses prototypes pour leur permettre de communiquer avec leur environnement, raconte-t-il. Je leur ai dit : ‘Et pourquoi ne pas utiliser des phares LED, comme ceux que BMW commence à installer sur ses voitures?' » Le chercheur explique au constructeur automobile qu’une LED, en s’allumant et en s’éteignant plusieurs millions de fois par seconde, peut transmettre des informations en langage informatique sous format « 0 1 1 1 0… » via le spectre optique, et non les bandes de fréquence radio comme le WiFi.

Une vingtaine de brevets déposés

Partant de cette idée, Suat Topsu monte un partenariat public privé afin de lancer un projet financé par la Région Ile-de-France et des industriels tels Valeo, Renault et Continental. Cinq ans plus tard, un standard international baptisé Lifi est mis en place. Puis l’universitaire, qui a déposé une vingtaine de brevets, crée une start-up, Oledcomm, qui développe aujourd’hui des expérimentations avec de grosses entreprises (EDF, SNCF, Aéroports de Paris, Airbus, Thales, Peugeot…) ou dans des hôpitaux, musées ou quartiers de villes. Modeste, il tient à partager la paternité de sa découverte avec ses collègues japonais de l’université de Tokyo, qui ont commencé à explorer cette piste comme lui en 2005.

Les industriels de ce secteur émergent se sont réunis en une association loi 1901, Smart Lighting Alliance (SLA), présidée par le promoteur Marc Rozenblat. « Nous avons sous les yeux une technologie d’avenir née en France », s’enthousiasme-t-il. « Oledcomm a deux ans d’avance, nous pouvons être leader mondial à condition de ne pas regarder passer le train. Si on n’y prend pas garde, comme souvent en France, le concept nous échappera et prospérera ailleurs. » SLA organise la première conférence consacrée au « Lifi dans la ville » le 6 octobre au conseil régional d’Île-de-France. Suat Topsu y dévoilera le « premier lampadaire Internet Lifi au monde ».

Première conférence consacrée au Lifi

La planète dénombrerait quatre milliards de réverbères. Or une directive européenne proscrit les ampoules à gaz à compter de 2020 ; les communes s’équipent donc peu à peu d’éclairage LED. « Le réseau de communication existe déjà potentiellement. Chaque ampoule est appelée à devenir un hotspot sans fil », souligne Suat Topsu. « Mieux, ajoute Marc Rozenblat, les lampadaires appartenant aux villes leur permettront de communiquer auprès des habitants en géocontextualisant l’information : travaux sur un trottoir, horaires de la piscine, séances du cinéma, mais aussi les alertes. »

La ville de Palaiseau (Essonne) a ainsi créé au printemps dernier son propre réseau de communication dans le quartier Camille-Claudel, où les 77 lampadaires sont équipés du Lifi. En 2017-2018, les habitants auront accès à Internet, y compris dans leurs appartements. Ils ont reçu une petite antenne appelée « dongle » – de la taille d’une miniclé USB – qu’ils peuvent brancher sur leur smartphone via une prise jack. Fin 2017, tous les nouveaux smartphones devraient être équipés d’un capteur Lifi intégré.

D’autres usages quotidiens du Lifi commencent à émerger. À Paris, le client d’un supermarché du 19e arrondissement est guidé par son chariot Lifi jusqu’au produit qu’il recherche. À Liège, en Belgique, un musée commente au visiteur le tableau qu’il regarde. À Perpignan, l’hôpital utilise cette technologie pour transmettre en interne des données médicales. Mais le projet le plus ambitieux est sans doute celui de la RATP, qui s’apprête à lancer un système de guidage Lifi des voyageurs, et en particulier des aveugles, dans l’immense gare de La Défense. Dès l’an prochain, et jusqu’en 2020, l’ensemble des couloirs du métro parisien sera progressivement équipé. Avec l’ambition d’être le premier réseau mondial de transport entièrement Lifi.

Author : Bertrand GRECO pour Le Journal du Dimanche

Vignette de l’article : Sur le plateau de Saclay, dans le quartier Camille-Claudel, la mairie de Palaiseau (Essonne) a installé 77 lampadaires Lifi (SLA).

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