Les technologies de pointe comme la robotique, l’impression 3D, l’intelligence artificielle et la conception générative changent radicalement notre façon de concevoir et de fabriquer. Cette transformation est si profonde que beaucoup la qualifie de nouvelle révolution industrielle. Pour autant, cela signifie-t-il que « les machines » sont sur le point de prendre le pouvoir ? En un mot : non.
La technologie doit être perçue comme pouvant améliorer les capacités humaines. Les machines vont nous compléter, et en aucun cas nous remplacer. Elles vont permettre de s’affranchir de tâches répétitives ou dangereuses. En nous libérant plus de temps, nous pourrons enfin nous concentrer sur des activités plus passionnantes, plus enrichissantes et à plus forte valeur ajoutée. Ces machines nous rendront aussi plus créatifs, en nous confrontant à des choix auxquels nous n’aurions pas pu avoir accès autrement.
Oui, certaines professions seront amenées à disparaître, alors que d’autres n’ont pas encore vu le jour. De nouveaux métiers, de nouvelles catégories d’emploi vont émerger dans le sillage de ce bouleversement technologique, offrant à tous la possibilité d’exercer une profession que nous ne pourrions imaginer aujourd’hui.
Un récent rapport du World Economic Forum ( » The Future of Jobs », janvier 2016) a souligné que « dans beaucoup de secteurs industriels et de pays, les professions ou spécialités les plus en vue n’existaient pas il y a de cela 10 ans, voire même 5 ans. Et ceci a tendance à s’accélérer. Selon une estimation, 65 % des enfants qui entrent à l’école primaire aujourd’hui finiront par exercer un métier qui n’existe pas encore ».
Quelles nouvelles professions émergeront de cette nouvelle révolution industrielle ?
Au regard de la rapidité des évolutions technologiques, faire des prédictions sur 25-30 ans relèverait de la supercherie. Mais nous sommes prêts à nous lancer sur les 10-15 ans à venir. Voici donc, dans le désordre, cinq métiers liés aux domaines de la conception et de l’ingénierie qui verront le jour, dans un futur pas si lointain : en 2030 !
1. Formateur de robot
Puisque nous passons d’un monde où les robots sont programmés pour des tâches répétitives (comme nous le voyons souvent dans une usine d’assemblage d’automobiles) à un univers dans lequel les robots effectuent des missions plus variées, le besoin de l’intervention humaine est en pleine croissance. Ainsi, les robots vont de plus en plus travailler aux côtés de leurs collègues humains. Des formateurs humains seront nécessaires pour montrer aux robots des tâches complexes leur permettant de les assimiler et de les mettre en oeuvre.
Voici un exemple concret : un chef cuisinier capable de combiner des saveurs et de créer des repas originaux ne va pas disparaître de si tôt. En revanche, cette tâche laborieuse qui est de hacher des oignons et des carottes pourrait être mieux gérée en formant un robot qui s’en occuperait. Cela peut sembler étrange, mais les robots ne sont capables que depuis peu de prendre en compte les différences d’aspérités physiques de légumes. Et ce, grâce à l’apprentissage automatique ( machine learning).
2. Intégrateur de systèmes de capteurs
De plus en plus de produits intègrent des capteurs et s’ajoutent au marché croissant de l’Internet des Objets (IoT). Pour autant, arriver à ce que tous ces produits connectés à Internet échangent entre eux (et pas seulement avec les applications dédiées sur un smartphone) se révèle être un défi bien ancré dans notre société.
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En fin de compte, c’est un cycle vertueux de produits plus intelligents et de multiples opportunités d’emploi.
3. Concepteur génératif
La conception – le design – est une activité en plein essor. Alors que des outils de conception (algorithmiques) se propagent de plus en plus, ils ne remplaceront pas les concepteurs/designers, mais vont radicalement bousculer la façon dont ils travaillent.
Les nouveaux logiciels dits « de design génératif » (ou conception générative) fourniront des dizaines, voire des milliers d’options de conception automatiquement générées selon des critères prédéfinis : poids, résistance, coût, taille, matériaux… Alors que les designers humains vont passer moins de temps sur la forme et la géométrie d’un produit, ils ont encore besoin de comprendre le design dans son ensemble, de déterminer les meilleures contraintes et les paramètres pour parvenir à la solution souhaitée.
Tout simplement, au lieu de créer un modèle 3D à partir de zéro, le designer permettra au logiciel de conception générative basée sur l’intelligence artificielle d’imaginer une solution selon des critères qu’il affinera pour parvenir au résultat final.
4. Spécialiste en impression 3D
Au cours des dernières années, les imprimantes 3D se sont améliorées à un rythme à couper le souffle, pour devenir plus rapides, capables de manipuler des milliers de nouveaux métaux, composites et autres matériaux. Alors que les prix baissent et que le logiciel poursuit son amélioration, ce procédé de « fabrication additive » va devenir de plus en plus courant. C’est un changement qui est le bienvenu : l’impression 3D produit moins de déchets, car elle utilise moins de matériaux et permet de produire des formes complexes qui seraient impossibles par le biais d’autres techniques de fabrication.
Le marché fait déjà face à une pénurie de machinistes qualifiés capables de faire fonctionner des machines de fabrication « soustractive » comme des machines de tournage/fraisage contrôlées par ordinateur. Rien qu’en France, 18 % des employeurs expliquent les difficultés de recrutement qu’ils rencontrent par le manque de qualification technique ( Enquête 2016 de ManpowerGroup sur la Pénurie de Talents). Le boom lié à l’impression 3D va entraîner le même besoin en spécialistes qualifiés et créer, dans les années à venir, une nouvelle catégorie d’emploi.
5. Biologiste synthétique
Cela peut sonner comme la chasse gardée des scientifiques surdiplômés, mais la capacité à synthétiser (ou « écrire ») l’ADN devient beaucoup moins coûteuse et plus simple à réaliser. Dans le domaine de la santé, les applications de synthèse de l’ADN sont extrêmement prometteuses : des molécules sur mesures peuvent être créées pour lutter contre les maladies. Il existe cependant d’autres usages amenés à éclore dans la prochaine décennie à venir.
Imaginez pouvoir créer une maison qui peut changer de couleur de peinture, des légumes aux saveurs inattendues, ou encore du chou qui aurait le goût de fraise. Puisque les progrès scientifiques et les logiciels simplifient fondamentalement le processus de conception des molécules, un tout nouveau secteur professionnel s’ouvre aux concepteurs et aux ingénieurs avant-gardistes autour de la conception d’objets à l’échelle microscopique.
Bien entendu, pour la plupart de ces cinq nouvelles professions, une formation universitaire ou de niveau post-secondaire serait nécessaire. Mais ce ne serait pas des domaines uniquement réservés au petit pourcentage de doctorants.
Il s’agit d’identifier des opportunités dès le début (et vous disposerez déjà d’un avantage certain après lecture de ce texte !), puis de suivre un parcours éducatif qui vous mettra sur la voie du succès. Les designers/concepteurs et les ingénieurs visionnaires, tout comme les autres personnes intéressées par ces domaines, ont beaucoup d’opportunités professionnelles qui les attendent dans les années à venir.
Loin de nous lamenter sur la façon dont les robots et leurs équivalents logiciels volent les emplois, nous sommes persuadés que ces technologies ouvriront la voie à des carrières enrichissantes que nous pouvons à peine imaginer en 2016.
Author : Sylvain LEGRAND pour http://www.lesechos.fr