Le mot « innovation » est devenu presque magique pour les dirigeants en mal d’idées.De ce seul mot découle tout un lexique que certains de nos PDG emploient pour faire preuve de vision et d’inspiration : créativité, collaboratif, entreprise digitale…
Signe des temps, cet enthousiasme et cet engouement pour l’innovation que l’on retrouve dans de nombreux discours, traduisent un besoin pressant de repenser les pratiques traditionnelles de nos entreprises. En même temps, ils tendent paradoxalement à minimiser la dimension intrinsèquement créative du travail, tel qu’il se réalise au quotidien. Comme si le travail de tous était au mieux purement routinier, et au pire invisible.
Ces grands discours des dirigeants invitant à plus d’innovation révèlent deux éléments. Premièrement, faisant face à des environnements complexes, ils ne savent plus trop où regarder. Ils s’en remettent à l’incantation de l’innovation pour survivre et idéalement se développer. Deuxièmement, on peut identifier une certaine méconnaissance de ce qui se passe dans le quotidien du travail de leurs salariés. C’est sur ce second point qu’il est important d’insister.
L’innovation n’a pas toujours besoin d’être étincelante pour avoir de la valeur. Qu’une nouvelle pratique ou décision, individuelle ou collective, ne soit pas visible ne signifie pas qu’elle n’est pas innovante. Il est important de s’intéresser au travail réel, celui qui se fait et se vit au quotidien dans nos entreprises par les salariés. Loin d’un frein à l’innovation, le travail réel en constitue la ressource fondamentale, à condition qu’on s’y intéresse tout autant qu’on accepte de le manager. Dans ce travail quotidien, se trouvent à n’en pas douter les germes de l’innovation. Aux dirigeants et à leurs équipes de les arroser de leur management.
Lire la suite après l’image …
Le travail est création. De produits et de services, certes. De valeur économique, oui bien sûr. Mais également de connaissances, de savoirs et de compétences, tant au niveau individuel que collectif. Donc, travailler, c’est innover par nature.
À discuter avec des managers de premier niveau et leurs collaborateurs, ou en les observant travailler, on se rend vite compte combien leurs pratiques ne sont presque jamais les mêmes. Bien au contraire. Leur travail est constitué d’événements déclenchant des situations collectives problématiques qu’ils ont à résoudre au nom d’une certaine idée du travail bien fait.
« Travailler, c’est innover par nature »
Le problème, c’est que ces créations restent souvent invisibles pour les directions. Des freins apparaissent quand les managers de proximité sont accaparés par d’autres tâches (réunions à l’extérieur, reporting, etc.) que l’animation de leurs équipes. Ces deux dimensions participent directement à réduire la motivation et l’engagement, génèrent parfois des problèmes de santé au travail et réduisent systématiquement le potentiel d’innovation et donc de performance de l’entreprise.
Les dirigeants d’entreprise ayant compris cela doivent alors s’engager et engager leurs équipes dans un réel management du travail. Ils doivent savoir pourquoi on leur demande de faire cela ainsi, vers quoi cette action tend, quel sera l’impact sur la qualité, l’efficience, le bien-être au travail, l’innovation, produits ou services. Ainsi, innovons par le management du travail réel.
Author : Nicolas ARNAUD pour Ouest France