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Obsolescence : quelle durée de vie pour nos objets ?

Comment améliorer la durée de vie de nos objets ? Enjeu économique et écologique, une consommation plus durable fait désormais l’objet de décisions législatives.

A partir du dimanche 1er mars 2015, il devient obligatoire d’afficher la durée de disponibilité des pièces détachées d’un produit. Et la loi sur la transition énergétique, en discussion au Parlement, fait de l’obsolescence programmée un délit. Sans assurance que ces mesures n’améliorent le recours à la réparation.

Aujourd’hui, un objet en panne est bien souvent un objet mort. Il faut dire que le réparer demande de contourner de nombreux obstacles : difficultés à trouver les pièces détachées, prix des réparations prompts à démotiver les meilleures volontés…La plupart du temps, les consommateurs optent pour un nouvel achat. La récente loi Hamon sur la consommation (du 18 mars 2014) cherche à favoriser une consommation plus durable aux moyens de deux outils : l’extension des garanties à deux ans (en 2016) et l’obligation pour les fabricants d’informer sur la durée de disponibilité des pièces de rechange.


A partir du 1er mars, en achetant un aspirateur ou une télévision, il devrait être possible de savoir si, en cas de panne, vous pourrez vous procurer la pièce défectueuse. C’est du moins ce que laissait penser la lecture de la loi. Mais ce ne sera pas tout à fait le cas, précise le décret d’application – au grand mécontentement des associations écologistes et de consommateurs. Car si un fabricant ne fournit pas du tout de pièce détachée, il n’est pas tenu de le dire. Pour Cédric Musso, responsable de l’action politique à l’UFC que Choisir, cela vide le texte de son sens.

Les Amis de la Terre ont demandé des explications à Carole Delga, ministre de la consommation. Dans une réponse du 13 janvier 2015, publiée par l’ONG, la ministre répond que l’objectif est la « valorisation du produit ». Et qu’en conséquence « le gouvernement ne souhaite pas retenir à la charge  des professionnels une obligation d’information  »négative » (…). Le principe même de la disponibilité de ces pièces ainsi que sa durée relèvent de la libre détermination du fournisseur. » A son cabinet, on fait également valoir qu’une telle information, discriminante, ne serait pas légale. Or sans pièce détachée, pas de réparation. Leur disponibilité est donc une question centrale.

Remplacer la verseuse d’une cafetière, voilà quelque chose de simple a priori. Mais certaines marques choisissent une forme ronde, d’autres plus ovale, explique Camille Lecomte. Il suffit de ne pas trouver celle qui rentre dans son modèle pour devoir mettre sa cafetière aux ordures.

Volonté déterminée des constructeurs de pousser à la consommation ? C’est du moins la croyance de nombreux consommateurs. Dans un sondage réalisé par 60 millions de consommateurs en mai 2014, 92 % se disent « convaincus que les produits électroménagers ou high-tech sont volontairement conçus pour ne pas durer. » Le documentaire Prêt à jeter, qui avait fait grand bruit lors de sa diffusion, cite quelques cas de sabotages organisés – remontant aux années 20 et 40.

Mais hormis ces quelques exemples, difficile de démontrer qu’il y aurait une intentionnalité des fabricants. Si bien que déjà, on voit mal dans quelle mesure pourra être mis en œuvre le texte qui fait de l’obsolescence programmée un délit, passible de 300.000 euros d’amende et deux ans de prison. Cet article 22 de la loi transition énergétique, proposé par Europe-Ecologie-Les Verts lors du débat à l’Assemblée nationale, avait été adopté, non sans surprise. Le 16 février, le Sénat l’a voté à son tour, après quelques modifications. La définition de l’obsolescence programmée retenue est désormais celle proposée en juillet 2012 par l’Ademe : « tout stratagème par lequel un bien voit sa durée de vie sciemment réduite dès sa conception, limitant ainsi sa durée d’usage pour des raisons de modèle économique. »

Pour l’UFC que choisir, ce n’est qu’un  « tigre de papier » ; l’association de consommateurs préfère parler d’obsolescence « organisée », explique Cédric Musso, responsable de l’action politique.

Quel marché pour la réparation ?

La loi n’impose aux fabricants aucune durée minimale de mise à disposition des pièces détachées. Dans l’électronique, on les trouve en moyenne trois ou quatre ans. Pour Bernard Heger, délégué général du Simavelec, le syndicat des industries de matériels audiovisuels, c’est la loi de l’offre et de la demande.

Parfois, le première frein à la réparation tient aux objets eux mêmes. Pour faire des économies, certains sont conçus en modules assemblés – plus faciles à produire, mais difficile à réparer. D’autres ne sont carrément pas démontables. « Produire un objet réparable, ça coûte plus cher. On peut avoir une offre, mais il faut qu’en fasse il y ait une demande. Or en dessous d’un certain prix, le consommateur ne fait pas réparer. La vraie demande, ce n’est pas de réparer, c’est d’avoir un objet qui marche », estime Bernard Heger.

Alors le marché des réparateurs est en berne. Le nombre d’acteurs comme d’emplois est en baisse, détaille l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) dans son Panorama de l’offre de réparation.  Seules les réparations de smartphones semblent tirer leur épingle du jeu – il faut dire que le prix incite à tenter de sauver son appareil avant d’investir dans un autre. Pour les réparateurs, lutter contre l’obsolescence est même devenu un argument de communication !

A quelques jours de l’ouverture (le 2 mars) du Mobile world congress, – le grand salon de la téléphonie mobile où sont présentées les nouveautés – une start-up française de réparation a lancé une campagne de  communication sous la forme d’un  Mouvement de Résistance des Précédents Smartphones. Et dans un clip décalé sur le drame des téléphone abandonnés, incite les accros aux nouveaux mobiles à « garder leur sang-froid » …et leur smartphone

Un modèle à trouver… C’est bien le modèle économique de la réparation qui fait aujourd’hui défaut. « Aujourd’hui, la préoccupation du consommateur n’est pas environnementale mais économique. Il faut donc faire baisser le coût de la réparation », explique Roland Marion chef adjoint du service Produits et Efficacité Matière à l’Ademe. Ce dernier est lié au prix des pièces, de la main d’œuvre et de son déplacement. « Plusieurs pistes sont actuellement suivies avec attention,  liste Roland Marion, la développement des objets connectés va permettre de détecter les pannes à distance. L’éco-conception permet de faciliter l’accès aux pièces pour les réparer. « 

Réparer, bricoler … ces activités ont aussi bénéficié du développement des initiatives collaboratives. C’est comme ça que sont nés les Repair Café. Le concept, venu  des Pays Bas, fait ses débuts en France. L’idée est simple  : réparer ensemble -ses meubles, ses appareils électriques, ses jouets. Ce qu’on veut en somme. Bénévolement, des professionnels ou des passionnés de bricolage vous montrent comment réparer vos objets.

« L’an dernier il n’y en avait qu’une dizaine, mais désormais il ne se passe pas un mois sans un Repair café à travers la France »,  se réjouit Camille Lecomte, chargée de campagne aux Amis de la Terre. Pour elle, il faut encourager le mouvement.

Dossier de Catherine Petillon, journaliste à France Culture

Ecouter les fichier audio (radio) sur l’obsolescence sur le site de France Culture :

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