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Paris branché design

En parallèle du très professionnel salon Maison et Objet, le « off » veut surprendre. Trois cents événements créatifs sont à découvrir jusqu’au 12 septembre.

Le designer ferrailleur Tom Dixon joue de la basse, dans une « disco party » au Centre Pompidou ; l’architecte Jean Nouvel décore la boutique Y’s de Yohji Yamamoto ; le « maître » Philippe Starck signe une collection de lunettes chez l’Italien Luxottica… Pour sa 5e édition, Paris Design Week mise sur une programmation détonante. Jusqu’au 12 septembre, en 300 lieux dans la capitale (contre 200 en 2014), le « off » du Salon professionnel Maison & Objet (M & O) illustre l’effervescence créative du secteur. Un événement attendu.
« Les clients internationaux qui viennent à Paris pour le Salon professionnel M & O veulent découvrir, parallèlement, les nouvelles collections en boutique et les adresses branchées. Le “off” est devenu un élément-clé dans la compétition que se livrent les grandes capitales, Milan, Londres, Miami… pour s’imposer sur le plan culturel, attirer les acheteurs ou des collectionneurs, que ce soit dans le domaine de l’art contemporain, de la mode et, désormais, du design », souligne Philippe Brocart, directeur général du Salon M & O (qui se tient jusqu’au mardi 8 septembre, à Villepinte, en Seine-Saint-Denis).


« Hacker » Ikea

Une aubaine pour le grand public, qui peut, sans hésiter, entrer dans le show-room de l’éditeur de tissus Lelièvre, une maison centenaire, pour admirer rideaux ou tapis de soie ; pénétrer dans le cabinet de curiosités Deyrolle dont les animaux empaillés sont éclairés par Fontana Arte, icône du design « made in Italy » ; ou pousser la porte de la toute première « cuirothèque » de Paris, imaginée par Patrick Nadeau, qui réunit dans l’immeuble du One Two Two – mythique maison close du Paris des années 1920 – des échantillons de cuirs précieux, fournis par les tanneurs et mégissiers français.

Pour la première fois, le « design démocratique » s’invite aussi à la fête, signe d’une nouvelle alchimie dans la création d’objets. Ikea s’installe au cœur de Paris avec au programme le « hacking » de ses nouvelles collections par des artistes et un Think Tank Lab animé par des acteurs sociaux. Leroy-Merlin a déposé ses imprimantes 3D à la Galerie Joseph, rue Froissart, pour des démonstrations animées avec le public. Lapeyre, premier fabricant d’escaliers de bois en France, en a détourné les éléments standards en espalier de gymnastique, barres simples et parallèles, steps et haltères… grâce à l’ingéniosité des designers de BuroBonus.

Enfin, pour sa première participation à Paris Design Week, le centre commercial Beaugrenelle – façonné par une kyrielle de stars, de Tom Dixon à Ora-ïto ou Xavier Veilhan – inaugure un pop-up store dédié aux petites maisons d’édition dénicheuses de talents : les prometteuses Arpel Lighting, Designer Box, Eno Studio, Ibride, Harto, Omy, Les Gambettes…

Un photomaton en 3D

« Loin de son image chère et élitiste, le design que l’on veut promouvoir est d’une grande diversité », souligne Franck Millot, directeur commercial de Paris Design Week. « Protéiforme, il permet de percevoir des pistes d’innovation dans une société en pleine mutation, de se projeter dans l’avenir pour les consommateurs et de reconsidérer notre rapport à la planète, peut-être avec le développement durable. »

Certes, Paris n’a qu’à bien se tenir avec ses 300 rendez-vous « off » contre les 700 programmés, chaque année, à Milan, ou bien… ses cinq ans d’existence contre la bonne décennie du London Design Festival, né en 2003. « L’atout de Paris, c’est de pouvoir tisser des passerelles naturelles entre design et gastronomie, design et mode, design et architecture, etc. Nous avons aussi une jeune garde de qualité, sortant de grandes écoles, et objet d’un intérêt appuyé à l’international », martèle Franck Millot.

Il n’y a guère de jeunes talents qui n’aient commencé dans le « off » de Maison & Objet, ces cinq dernières années. La pépinière a définitivement jeté l’ancre aux Docks-Cité de la Mode et du Design, décorés dès l’entrée et sur deux niveaux par un étrange animal à deux têtes, un dragon fleuri du designer végétal Alexis Tricoire. Au sein de l’exposition « Now ! le Off », le « Rado Star Prize 2015 », présidé par Constance Guisset, a distingué parmi la jeune scène du design, deux gagnants : Jules Levasseur pour le Projet S, une table en tôle ondulée cintrée et Aurélie Hoegy pour ses Dancers, des assises improbables en coton et latex, tous deux à mi-chemin entre fonctionnalité et poésie.

D’autres étoiles montantes ont essaimé en ville, tels les jeunes designers indépendants de Brooklyn à la galerie Triode, ou la créativité belge, à l’office du tourisme de Wallonie-Bruxelles. Des expositions participent à l’effervescence générale, dont « Dolce vita ? Du Liberty au design italien (1900-1940) » à Orsay, « Chagall, Soulages, Benzaken… Le vitrail contemporain, de 1945 à nos jours », à la Cité de l’architecture et du patrimoine, ou encore « Invention/Design. Regards croisés » par les Sismo au Musée des arts et métiers.

Les nouvelles technologies permettent, aussi, au commun des mortels de s’imaginer en objet de décoration. Un Photomaton en 3 dimensions, chez Moda (spécialiste de l’aménagement des espaces bureaux) permet de scanner le visiteur, puis de l’« imprimer », sous forme d’une statuette. Moyennant finances, on peut emporter son effigie chez soi. Design… ou pas.

Author : Véronique LORELLE pour Le Monde

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Photo : Mobilier par Jean Nouvel Design pour Yohji Yamamoto. Crédit photo : YOHJI YAMAMOTO