Le greenwashing d’allégations, qui consiste à mentir ou à tromper sur les prétendus bénéfices environnementaux d’un produit ou d’un service (par exemple affirmer qu’avec la nouvelle Golf de Volkswagen « L’environnement va se faire respecter sur la route »), ne fait plus recette.
Plus subtil est le « greenwashing d’exécution » qui, en arrière-plan d’une publicité, utilise des éléments graphiques ou sonores évoquant la nature pour influencer le consommateur (on pense à ces animaux « likant » un véhicule électrique Hyundai).
C’est ce qu’indiquent nos récents travaux (conduits avec Cristel Antonia Russell de l’American University) qui s’appuient sur des expérimentations montrant les effets de plusieurs versions d’une campagne publicitaire. En conclusion de notre étude, nous proposons une solution pour informer plus objectivement le consommateur sur les qualités environnementales des produits.
Influences subtiles
Les années 2000 marquent un tournant pour la publicité « verte ». L’action des associations de consommateurs et des ONG, et en France le Grenelle de l’environnement (2008), ont contribué à décrédibiliser les campagnes publicitaires basées sur des allégations environnementales trompeuses ou partielles. Le prix Pinocchio est ainsi décerné chaque année depuis 2008 par l’association des Amis de la Terre aux campagnes les plus mensongères. Le Bureau de vérification de la publicité (BVP) se transforme la même année en Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) pour traquer le « greenwashing d’allégation ».
Mais cela ne suffit pas. L’argument environnemental revient « par la fenêtre » sous une forme plus subtile : le « greenwashing d’exécution ». À travers des éléments d’exécution graphique ou sonore d’ordre symbolique qui évoquent la nature (couleur verte, images de forêts, bruit de cours d’eau ou de chants d’oiseaux), la publicité influence beaucoup plus efficacement la perception des consommateurs. Cette situation nécessite de mieux comprendre le processus de persuasion publicitaire pour développer des instruments de politiques publiques appropriés.
Pour la première fois, nos travaux ont permis de décrypter les effets de cette forme inédite de procédé publicitaire.
Trois expérimentations
Nous avons testé notre concept de « greenwashing d’exécution » en exposant plusieurs échantillons de consommateurs à des publicités automobiles factices, créées pour l’occasion, et en les interrogeant ensuite sur leur perception du produit.
Dans la première expérimentation, un premier groupe est exposé à une publicité sur fond blanc, avec le prix comme seule indication chiffrée. Un second groupe est soumis à la même annonce mais avec un arrière-plan photographique et sonore évoquant une forêt tropicale : l’image écologique du produit fait un bond, en particulier chez les consommateurs « non experts » dans le domaine automobile.
Dans la seconde expérimentation, un autre groupe est exposé à la même publicité que le groupe précédent, avec l’ajout du taux d’émission de CO2 de la voiture (fort ou faible). Les « non experts » réagissent toujours favorablement à la présence d’éléments d’exécution évoquant la nature, quel que soit le taux d’émission de CO2, tandis que la courbe est quasiment plate chez les « experts », pour lesquels le fond de nature n’est alors plus sujet à tromperie.
Voir l’image ci-dessous !
Pour un système d’étiquetage tricolore
Lors d’une troisième expérimentation, nous avons testé une solution d’information plus explicite : à la publicité précédente se trouve intégré un système d’étiquetage tricolore indiquant le niveau d’émissions carbone de la voiture, à l’instar de l’étiquetage énergétique des produits électroménagers.
Dans ce dernier cas, les consommateurs experts et non experts ont réagi de la même façon : leur image écologique du produit se fonde sur la valeur des émissions carbone, et non plus sur le paysage de fond ou le bruit d’oiseau. L’effet trompeur du greenwashing d’exécution est alors contrecarré.
Voir l’image ci-dessous !
Cette recherche, en s’appuyant sur le modèle ELM (pour elaboration likelihood model), prouve que les éléments d’exécution publicitaire peuvent renforcer artificiellement la perception qu’ont les consommateurs des vertus écologiques d’un produit ou d’une marque.
Pour ne pas tomber dans le piège du greenwashing, il paraît dès lors essentiel pour une entreprise ou une organisation provoquant des désordres environnementaux de ne pas promouvoir son produit ou sa marque en utilisant des arguments écologiques et/ou des éléments d’exécution évoquant la nature ; de présenter les efforts de recherche en cours pour diminuer son impact environnemental ; de diffuser des données factuelles qui attestent de la réalité de ces efforts.
Notre recherche établit la preuve des effets néfastes du greenwashing d’exécution. Reconnaissant de fait son existence, l’ARPP invite les publicitaires à la prudence sans toutefois formuler de recommandations concrètes pour l’éviter. Notre recherche l’accompagne dans cette perspective puisqu’elle propose une solution simple pour contrecarrer les effets du greenwashing d’exécution, sans brider la créativité publicitaire par l’interdiction de toute représentation de la nature.
L’utilisation d’un système d’étiquetage tricolore a l’intérêt d’étendre au domaine publicitaire un dispositif cher au Ministère de l’environnement en matière d’étiquetage des produits. Vers un symbole universel pour accompagner le citoyen vers des choix de consommation responsables ?
Auteures : Béatrice Parguel, Chargée de recherche CNRS, Université Paris Dauphine – PSL et Florence Benoit-Moreau, Maître de conférences, Université Paris Dauphine – PSL pour https://theconversation.com/