Revue de presse » **** Ramy Fichler, le design à 360°

**** Ramy Fichler, le design à 360°

Maison & Objet l’a élu Designer of the year pour sa nouvelle édition, qui ouvre ces jours-ci. Entretien avec le créateur.

C’est une grosse rentrée pour Ramy Fischler. Et l’occasion pour le public de découvrir la richesse du travail de ce Belge de 39 ans, qui a monté son studio à Paris en 2011 avec une ligne directrice : ne pas se répéter. Après le décor du restaurant solidaire le Refettorio à Paris (en collaboration avec le cabinet d’architectes Encore Heureux), la conception du siège français de Twitter, ou celle d’un frigidaire connecté zéro déchet (Projet Nu!), il dévoilera ces jours-ci une « Agora » à Maison & objet ; un lieu dédié à la philanthropie au salon AD Intérieurs ; un décor tout en terre crue à la fondation Giorgio Cini, à Venise ; une scénographie contemporaine d’Hamlet à l’Opéra comique en décembre. Tout en poursuivant, sur les Champs-Elysées, le chantier d’un palace et d’un nouveau concept de cinéma. Interview.

 

   … Ceci est un article de Aude Goullioud pour L’Express

 

Quel est ce projet « Agora » réalisé pour Maison & Objet ?

Au lieu de présenter mes objets ou mon mobilier, j’ai eu envie de dessiner un lieu très simple de 300 mètres carrés au sol, pensé comme « l’espace de travail du futur », où chaque visiteur peut venir travailler, échanger, lire, boire un verre, suivre un cours de yoga, se faire masser, etc. Nous l’avons appelé l’Agora parce qu’il ressemble à une petite colline, avec des gradins, plantée de toute une variété de végétaux qui vont permettre au barman de faire des cocktails ou des thés tout au long de la journée. Cet endroit s’inscrit dans la tendance des free spaces très présents à la Biennale d’Architecture de Venise cette année, pensés sans trop de fonctions pour laisser les gens en faire des usages divers, selon leurs envies ou besoins. Réalisé uniquement en bois recyclé et liège, c’est un dispositif qui peut être monté et démonté. Même quand je ne serai plus designer de l’année, le salon pourra continuer à l’utiliser et, à mon avis, il s’améliorera à l’usage. Quand on fait de l’innovation, Il faut accepter que ça ne marche pas tout de suite parfaitement. Tout l’inverse des projets d’image.

Que représentent pour vous les gradins présents dans plusieurs de vos réalisations récentes ?

C’est un motif qui a fleuri un peu partout ces dernières années – dans les jardins, les aménagements de bureaux, places publiques… -, très symbolique de nouvelles façons de travailler, de se rencontrer, de se divertir… Et de cette aspiration actuelle à plus de collectif et moins de hiérarchie. Des marches, sans forcément d’usage particulier, où tout le monde se retrouve comme à l’Antiquité, et qui peuvent servir à tout : à faire du sport, à se réunir, à écouter un concert ou une conférence…

Cette idée de travail collectif est au coeur de votre pratique du design ?

Ma formation à l’ENSCI, Les ateliers, il y a vingt ans, a été déterminante : c’était un lieu ouvert jour et nuit où il était possible de faire toutes sortes d’expériences, de découvrir qui on était, de rencontrer des gens avec lesquels élaborer des idées… Tous les projets se faisaient en groupe, il fallait mettre de côté son égo. C’est une école basée sur le collaboratif, l’écosystème, où chacun apporte une partie de la réponse. Et c’est sur ce principe que j’ai monté mon studio. A côté de cela, il y a un besoin dans notre génération de participer à des projets solidaires qui marchent, soient de vraies réussites économiques, et permettent à ceux qui y participent de gagner leur vie. 50% de notre métier, c’est créer de la beauté, de nouvelles formes, des environnements dans lesquels les gens sont heureux. C’est hyper important, mais ça ne suffit pas. Dans ce qu’on conçoit et jusque dans tout le processus de création, notre travail doit générer une juste économie.

C’est l’enjeu aussi de la « Compagnie des Philanthropes » que vous présentez au salon AD Intérieurs ?

En effet. Le « Philanthro-Lab », imaginé et financé par le promoteur immobilier et mécène Philippe Journo, est l’un des projets lauréats du concours « Réinventer Paris 1 » permettant à des entrepreneurs ou des investisseurs d’acquérir des terrains dans Paris, non pas au plus offrant, mais en amenant le projet le plus innovant et le plus vertueux pour la ville et ses habitants. Avec les architectes Perrot-Richard, le chef Thierry Marx, et Philippe Journo, nous avons cherché la bonne équation pour faire de l’hôtel de la Bûcherie, ce bâtiment du XVe siècle situé en face de Notre-Dame, un lieu destiné à favoriser l’émergence de nouveaux projets philanthropiques, qui génère du buzz, de l’intérêt, et de l’argent.

Nous arrivons ainsi très en amont sur des projets, parfois sept ou huit ans avant leur réalisation, et les suivons ensuite très longtemps. Il faut être capable d’anticiper, de voir loin.

D’où ce souci, dans votre agence, de rester à l’affût de tout ce qui est nouveau ?

C’est vraiment un pilier du studio. Il y a des personnes qu’on protège du quotidien pour pouvoir se consacrer à cette activité de veille : si tout le monde est le nez dans le guidon, vous ne regardez plus ce qui se passe autour de vous. L’équipe de ce « bureau des usages », comme nous l’appelons, est en contact continu avec des chercheurs, des sociologues, des ingénieurs, des start-up, d’autres agences… Malgré la crise, nous avons encore la chance de vivre des moments de grande innovation. C’est aussi notre rôle d’accompagner ces nouvelles façons de créer de l’emploi, du lien social et de nouvelles économies.

Maison & objet, du 7 au 11 septembre 2018 : www.maison-objet.com

AD Intérieurs 2018, du 5 au 23 septembre 2018, à la Compagnie des philanthropes, 15, rue de la Bûcherie. 75005 paris

Fondation Bettencourt-Schueller, exposition Pour l’intelligence de la main dans le cadre de Homo Faber, Crafting a more human future.Fondation Giorgio Cini, Venise, du 14 au 30 septembre 2018.

Vignette de l’article : Le designer belge dans son studio parisien | Chiara Cadeddu/SDP

Cet article a été sélectionné par designer.s dans le cadre de sa veille éditoriale et intégré à sa revue de presse européenne francophone !

Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s :

***** Exceptionnel, pépite
**** Très intéressant et/ou focus
*** Intéressant
** Faible, approximatif
* Mauvais, très critiquable
(i) . Informatif