Revue de presse » *** Révolution numérique : ce qui attend la France si elle copie l’Estonie

*** Révolution numérique : ce qui attend la France si elle copie l’Estonie

Pour Edouard Philippe, la France a cinq ans pour faire sa «révolution numérique». Avec l’Estonie pour modèle. Pionnier en la matière, le petit pays balte est parvenu à dématérialiser tous les actes administratifs.

Comme Emmanuel Macron ou son secrétaire d’Etat chargé du numérique Mounir Mahjoubi, Edouard Philippe n’a que la «transformation numérique» à la bouche. Mardi, à l’occasion de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre n’a pas manqué d’en faire la promotion, énonçant plusieurs mesures en ce sens, comme la création d’une «plateforme numérique» où «chaque administration» devra «y loger ses applications», où celle d’un «compte citoyen en ligne», «nouveau lien entre les Français et leurs administrations». Ces idées ne sont pas nouvelles, elles sont nées en Estonie.

« Fixons-nous un objectif simple : avoir des services publics numériques de même qualité que ceux du secteur marchand (…). Certains diront que c’est trop compliqué, trop ambitieux. J’étais, avec un certain nombre de membres du Gouvernement, en Estonie la semaine dernière, eux l’ont fait.»
EDOUARD PHILIPPE, LE 4 JUILLET, DEVANT L’ASSEMBLÉE NATIONALE

En consacrant son tout premier voyage officiel en tant que Premier ministre au petit pays balte, Edouard Philippe avait déjà envoyé un message fort en faveur du numérique le 28 juin dernier. «La réalité estonienne, c’est l’objectif français en matière d’e-administration d’ici 2022», déclarait-il à Tallinn.

Mais qu’est-ce que cette réalité estonienne ? Qu’a réalisé l’Estonie, membre de l’Union européenne depuis 2004, pour être devenue en si peu de temps un modèle pour le monde ? Quelques chiffres apporteront un début de réponse : dans ce pays de 1,3 million d’habitants, 96 % des échanges avec les services publics se font sur Internet, 96 % des foyers paient leurs impôts en ligne et 99,8 % des transactions bancaires sont dématérialisées, comme l’expliquait «Le Parisien Magazine» en mars. Bien que vieillissant, le pays est allé jusqu’à faire de l’accès à Internet un droit humain.

La carte d’identité numérique, clé du succès estonien

Plus de 2 600 services publics, de l’état civil aux permis de construire, en passant par la Justice, sont accessibles en ligne. Tout ceci rendu possible grâce à la grande innovation made in Estonie : la carte d’identité numérique. Equipée d’une puce électronique, celle-ci permet de réaliser tous les actes administratifs (ou presque) sur Internet. Il suffit pour cela de l’insérer dans un lecteur spécial. Deux codes secrets plus tard, chaque citoyen est ensuite autorisé à signer numériquement tout document officiel. Et ce n’est pas tout, la carte d’identité est également capable de remplacer toutes les autres cartes à puce, de la carte bancaire à l’équivalent estonien de notre carte Vitale.

Engagée toujours plus loin dans la révolution numérique, l’Estonie n’a pas hésité à lancer la carte d’identité numérique sur smartphone. Environ 6% de la population l’aurait déjà adoptée, rappelait au printemps «Le Parisien Magazine».

Vu de France, pays du chèque bancaire et de la paperasse, le modèle estonien a encore des allures d’utopie. Bien sûr, Emmanuel Macron comme Edouard Philippe veulent y croire. D’autant plus que la «transformation numérique» comporterait son lot de vertus, selon Tallinn. Outre un allégement et une simplification des démarches administratives pour les citoyens, «l’usage généralisé de l’e-signature permettrait des économies de 2% du produit intérieur brut (PIB) du pays», indique «Le Monde».

Très haut débit, formation des moins connectés

Mais une «révolution numérique» ne se fera pas sans un très haut débit généralisé sur tout le territoire. Problème : selon une étude de Bruxelles de 2016, la France accuse toujours un sérieux retard, la proportion de foyers couverts par le très haut débit se chiffrant à 45% contre 71% pour la moyenne européenne. La France pointait au 26e rang parmi les 28 Etats membres de l’Union européenne. Le nouveau gouvernement l’a bien en tête. Edouard Philippe a affirmé vouloir garantir «un accès au très haut débit au plus tard d’ici 2022 partout en France».

Ce n’est pas la seule difficulté à surmonter pour arriver au niveau de l’Estonie. Comme l’a rappelé le Premier ministre lui-même, mardi, à l’Assemblée nationale : «Il y a des Français qui n’ont pas de GPS, pas de box connectée, dont le téléphone sert à téléphoner et c’est tout. Il y a des citoyens qui sont broyés et ignorés par ce monde technique. Le fossé s’agrandit, et il n’est pas que générationnel, il est social, et parfois géographique. Nos services publics, le monde associatif doivent accompagner ces évolutions et ces révolutions numériques ; nous les y aiderons».

Aider les seniors et les «déconnectés»

Aider les moins connectés, c’est justement ce qu’a dû faire l’Estonie pour mener à bien sa révolution numérique. En développant partout dans le pays le Wi-Fi public ou en installant des ordinateurs libres d’accès dans les bibliothèques ou les écoles. Mais aussi en «formant» sa population «déconnectée», les seniors notamment, à l’utilisation d’Internet, via des cours gratuits.

«Il ne me parait pas (que les Estoniens soient) beaucoup plus agiles ou que nous soyons beaucoup moins adroits», a glissé Edouard Philippe devant les députés. C’est oublier tout de même qu’ils sont 50 fois moins nombreux que les Français et qu’il leur a fallu près de 20 ans pour passer au tout-numérique.

Auteur : Thomas BLACHERE pour Le Parisien

Vignette de l’article : Edouard Philippe (à droite) et son homologue estonien, Juri Rattas, à Tallinn, le 28 juin dernier.REUTERS/Ints Kalnins

Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !

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