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Un design à réinventer

Le Royal College of Art de Londres vient d’annoncer la création d’un campus dédié au design, aux sciences et aux technologies, avec l’appui du gouvernement anglais. Il accueillera de nouveaux programmes autour de la robotique, des technologies pour le corps, des matériaux et de la ville.

Cette annonce interroge les caractéristiques françaises de l’enseignement du design. Notre enseignement s’appuie sur trois généalogies fortes : les beaux-arts, devenus arts plastiques, les écoles d’arts et métiers et d’arts décoratifs, devenues écoles d’arts appliqués, parfois regroupés sous la dénomination « art et design ». A cela s’ajoutent des enseignements universitaires basés sur la connaissance. Ces formations aux appellations différentes, dispersées, délivrant différents diplômes, sont toutes déterminées par les ministères qui les gèrent, Culture ou Education. Elles sont relativement imperméables aux sciences, aux technologies ou à l’économie.

L’enseignement français est reconnu pour faire émerger des créateurs et des pratiques d’auteur adossées à une pensée conceptuelle et critique artistique, humaniste, sociologique et philosophique. Entre savoir, art et artisanat, la France a construit un enseignement de qualité, dont il émane cependant une défiance vis-à-vis de l’économie, de la science et de la technologie. Marcel Duchamp ou Gilles Deleuze y sont plus souvent cités que John Maynard Keynes, André Lefèbvre ou Richard Buckminster Fuller. Ce milieu est parfois résistant aux mutations de l’Histoire, qu’il s’agisse de la révolution industrielle ou de celle que nous vivons actuellement. Le designer y est considéré comme un artiste du quotidien et de l’utile, un poète critique ou le descendant des décorateurs mondains des années 1930. L’enjeu, aujourd’hui, est de confronter la qualité de ces formations à des collaborations nouvelles. Si le design est décoration ou regard personnel sur le monde, nous avons ce qu’il nous faut. Si nous souhaitons qu’il joue aussi un rôle fort dans le monde et l’économie de demain, nous devons le rapprocher des technologies qui contribuent à les dessiner. Les Britanniques semblent l’avoir compris. Et nous ?

Author : Jean-Louis FRECHIN, président de l’agence Nodesign pour http://www.lesechos.fr/

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