La banque publique a sélectionné une centaine de designers dans toute la France pour réaliser des audits design dans les PME. Subventionnée à hauteur de 50 %, l’opération vise à déclencher des projets d’innovation non technologique pour développer la compétitivité.
« Vous devez être des agents de changement », lance Paul-François Fournier, directeur de l’innovation de Bpifrance à la centaine de designers réunis au siège de la banque publique, boulevard Haussmann.
Dans cette grande salle, assis sur les tabourets des célèbres frères Bourroulec, perchés sur les bancs de l’amphi ou calés dans des canapés, ils sont venus de toute la France, mardi 19 janvier, découvrir pourquoi ils ont été sélectionnés. Le projet est simple : il s’agit de semer la graine du design dans les PME françaises. Bpifrance lance avec ces spécialistes une nouvelle offre, « l’audit design ». Pour un tarif de 3000 à 4000 euros dont la moitié pris en charge par la banque, les entreprises pourront obtenir un diagnostic à 360° de l’apport du design dans leurs entreprises.
L’objectif n’est pas de mettre en œuvre directement une opération lors des 3 jours que dureront l’audit mais de déclencher des projets innovants. Cette démarche s’inscrit dans la stratégie « Innovation nouvelle génération » de la banque publique qui valorise entre autres l’innovation non-technologique. Celle qui s’intéresse aux usages, à la mise en forme de l’offre au-delà des technos. « Les dirigeants sont seuls, le nez dans le guidon, notre sujet c’est de les accompagner, explique Paul-François Fournier, nous le faisons pour l’international, la stratégie, le management, notre but c’est de créer un déclic sur le design avec ces audits. » L’opération est portée par les chargés d’affaires innovation de Bpifrance qui, connaissant leurs clients, essayeront de faire « matcher » les entreprises et les profils de designers retenus. Car la communauté est diversifiée : de l’expert généraliste en design, au spécialiste du produit ou du point de vente jusqu’au féru de typographie. Les designers ont été sélectionnés sur dossier, par un jury composé de spécialistes du design et d’entreprises convaincues que cette discipline est un levier de compétitivité comme Deltador, Seb ou Whithings.
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DÉCLENCHER L’ENVIE D’INNOVATION
Le principe de cette offre est de mener le projet avec le dirigeant de l’entreprise. L’audit doit déboucher sur une note qui ne doit pas dépasser 5 pages et sur un moment d’échange en direct. Pour Paul-François Fournier, « il ne s’agit pas de remplir des classeurs entiers qui iront rejoindre une pile sur une étagère mais de déclencher des projets qui pourront selon leur intérêt être financés par les outils classiques de Bpifrance. » Comme les aides à l’innovation (subventions, avances remboursables ou prêt à taux zéro) ou les prêts patients qui permettent de rembourser en 7 ou 8 ans avec un différé de deux ans. La proposition a reçu un très bon accueil de la part des designers qui y voient un levier de développement de leur courant d’affaires.
La durée de l’audit, plutôt courte, si elle en effraye quelques uns ne rebute pas les autres. « Souvent on a beaucoup moins que cela, parfois on a seulement une heure pour discuter avec un dirigeant », explique Bertrand Barré, fondateur du groupe Zebra qui trouve l’idée excellente. « Ce n’est pas que j’attende cela pour aller chercher des affaires, poursuit ce designer qui a des agences à Paris, Lyon et Nantes. Ce qui me plait c’est que ce n’est pas une opération classique de promotion du design , c’est l’occasion de créer un dialogue avec les patrons sur le sujet. De leur montrer que c’est un acte de développement. » Parmi les designers sélectionnés certains ont déjà décidé d’aller se présenter au chargé innovation de Bpifrance de leur région.
Reste à évaluer l’accueil de l’offre par les patrons. Grégoire Denis, PDG des Toiles de Mayenne, une PME de textile d’ameublement installé à Fontaine-Daniel (53), interrogé sur le sujet trouve l’idée intéressante. « Je travaille déjà avec deux designers sur mes produits mais j’ai justement des interrogations en ce moment sur mes points de vente, » réagit-il. Pour Paul-François Fournier l’opération est une expérimentation. En fonction des retours, elle sera reconduite, recalibrée ou abandonnée. L’initiative est lancée. Son succès sera celui que cette communauté de banquiers, designers et chefs d’entreprise en feront.
Author : Anne-Sophie BELLAICHE pour L’Usine Nouvelle