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*** Comment Ikea s’adapte à la révolution numérique

Ikea doit s’adapter aux nouveaux modes de vie et à la révolution numérique. Son 4e rapport « Life at home » sur le quotidien des gens dresse la liste de leurs frustrations.

Une révolution de velours se trame chez le numéro un mondial de l’équipement de la maison. Le plan de bataille aussi ambitieux que secret infuse depuis le berceau historique d’Ikea à Almhult. C’est dans cette commune de 16.000 habitants nichée dans les forêts du sud de la Suède qu’en 1958 Ingvar Kamprad invente son concept de « design démocratique ». Le meuble idéal doit être fonctionnel, de qualité, à prix accessible, esthétique et durable. Soixante ans plus tard, Ikea reste la plus belle success story de l’ameublement. Pas question pour le grand manitou de l’innovation, Tony Sandelius, de toucher au credo du fondateur. Pas question non plus d’ignorer le tsunami numérique qui ébranle l’écosystème de tous les acteurs du secteur. Le géant suédois, dont les ventes ont totalisé 34,1 milliards d’euros l’an passé, n’est pas épargné. « Notre environnement est bouleversé. Tout ne sera pas numérique mais nous devons passer d’un modèle centré sur le client à un modèle qui place les gens au cœur de tout », exprime-t-il. Décryptage : le groupe doit faire évoluer la formule très optimisée et centralisée qui a fait son succès pour gagner en agilité et coller aux attentes d’un consommateur de plus en plus connecté, urbain et individualiste.

L’entreprise est de taille pour le champion du meuble en kit présent dans 28 pays avec plus de 340 magasins. L’explosion du e-commerce met à l’épreuve son système de distribution assis sur des « boîtes » XXL jaune et bleu de 20.000 mètres carrés en périphérie des villes. Jusqu’ici, l’inventeur des étagères Billy a misé sur le shopping de destination où tout est conçu pour faire craquer le client. Reposant sur la voiture, un parcours de vente imposé et l’attente aux caisses, les magasins physiques sont à la peine. À Paris, où près de 70 % des consommateurs n’ont pas de véhicule et 30 % pas de permis, ils sont devenus inaccessibles. L’enseigne a réagi en rapprochant ses magasins-entrepôts des villes, comme ceux de Nice et Vénissieux qui ouvriront en 2019. Elle teste aussi la vente en centre-ville à Hambourg, seul magasin citadin du groupe à ce jour.

La France est le 3e marché d’Ikea

« Avec Primark, c’est la seule enseigne qui parvient encore à faire venir les gens de loin mais ce n’est plus le sens de l’Histoire », pose Cédric Durocq, PDG du cabinet de conseil Dia-Mart. Pour le géant scandinave, l’équation n’est pas simple. S’il ne réalise toujours que 7 % de ses ventes sur Internet, c’est parce qu’il redoute une baisse de fréquentation et du panier moyen dans ses magasins. « On va essayer de porter cette moyenne à 10 % en 2020, mais cela nous oblige à revoir notre système de packaging conçu pour un retrait en magasin, le design de nos produits et notre système de livraison », détaille Henrik Elm, responsable groupe pour les achats et la logistique. « Le rapport prix-poids reste un sujet. Vendre en ligne des produits en kit bon marché génère des coûts de livraison parfois plus élevés que la valeur du produit transporté », pointe Cédric Durocq. Troisième marché du groupe, la France vient néanmoins d’annoncer qu’elle va accélérer dans le e-commerce et proposer des circuits de livraison plus rapides. Autre signe d’un changement de cap : Ikea va écouler ses meubles et objets de décoration sur d’autres sites Web que le sien, tels Amazon ou Alibaba.

Ikea doit aussi casser son image de standardisation en proposant une offre plus différenciée
« Les consommateurs veulent de la personnalisation. Ikea doit aussi casser son image de standardisation en proposant une offre plus différenciée et en créant des événements autour de séries courtes », analyse le spécialiste de la distribution Olivier Dauvers. Comme en écho, pendant les derniers Democratic Design Days organisés en juin à Älmhult pour présenter les nouvelles collections de l’enseigne, Marcus Engman, directeur de la création, clamait vouloir des « choses inédites et du sur-mesure communautaire ». Exemple ? Le sofa multifonction sur lequel peuvent se clipper des rangements ou une lampe imaginée par Tom Dixon, le chef de file des designers britanniques. Le skateboard et la vitrine à sneakers du créateur de streetwear Chris Stamp. Ou encore les vases avec défauts de fabrication pour un effet fait main de l’artiste néerlandais Piet Hein Eek. Place aux « disrupteurs ». Ikea s’ouvre aussi à des collaborations avec des laboratoires, des universités et des start-up. Depuis le mois de septembre, dix jeunes pousses sont hébergées à Älmhult, dont Hubstairs. La start-up française a développé une solution de décoration virtuelle et de sélection de mobilier par des designers d’intérieur. Et, en 2018, les clients pourront collaborer à des plateformes de cocréation en ligne.

Le do it yourself pour monter les meubles n’a plus la cote en Europe

La marque veut aussi développer de nouveaux services en lien avec la vente de meubles. « Cela va écorner la pureté du modèle basé sur le low cost et un service minimal mais ils y sont acculés », juge Cédric Durocq de Dia-Mart. Le do it yourself pour monter les meubles n’a plus la cote en Europe et n’est pas le point fort des millions de consommateurs asiatiques de la marque. Ikea l’a bien compris en proposant d’abord un service maison d’aide au montage. Il vient de franchir une nouvelle étape en s’offrant la start-up TaskRabbit qui fonctionne comme un Uber du bricolage dans 40 villes américaines et à Londres. Avec Apple, l’enseigne développe une application de réalité virtuelle baptisée Ikea Place permettant de visualiser les meubles en trois dimensions avant de venir les acheter en magasin. Avec Google et Amazon, elle travaille à intégrer leurs majordomes numériques pour commander des objets connectés. « Nous réfléchissons aussi à une offre globale autour du sommeil qui pourrait passer par des services de location ou des applications Internet ou encore sur les fonctions qui réduiraient le temps de nettoyage et de rangement de sa maison », annonce Tony Sandelius. Le géant suédois n’a pas fini de nous surprendre.

Source : Le JDD

Vignette de l’article : Dans les bureaux de création d’Ikea, à Almhult, dans le sud de la Suède. Crédits KIMME PERSSON FOTOGRAF

Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !

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