Le design d’un objet connecté doit composer avec ses futurs usages, ses fonctionnalités, son encombrement et l’autonomie attendue. Le point sur la méthode pour le concevoir.
Comme tout projet de déploiement IT, celui d’un réseau d’objets connectés ne s’improvise pas. Quel que soit le type de service envisagé (télémesure, téléalarme, maintenance prédictive, capteurs atmosphériques…) ou la manière dont sera opéré le réseau, une attention toute particulière doit être portée au design de l’objet en lui-même. « Tout part du métier et de l’usage », résume Didier Zeitoun, président-fondateur de Magellan Partners – dont la filiale Cybeel a développé une solution d' »IoT as a service ». Pour Didier Zeitoun, le profil de l’objet connecté sera d’abord fonction des contraintes techniques et des performances attendues.
Un objet nécessairement hybride
Signe des temps et alors que les formations universitaires dédiées à l’Internet des objets se multiplient (à l’instar de Polytechnique avec sa chaire Internet of Everything), certaines d’entre-elles mettent plus particulièrement l’accent sur le design de ces objets, que ce soit à Telecom ParisTech ou à l’École de design Nantes Atlantique.
Au plan pratique, le design d’un objet connecté et de son boitier sont fonction de plusieurs paramètres : fonctionnalités, fréquence d’émission, batteries et encombrement. « Tout dépend des fonctionnalités envisagées, de leur niveau de précision, du type de mesure à effectuer, de leur fréquence et de l’environnement de l’objet », explique Tanguy Jouvet, directeur général de Cybeel. Autant de facteurs qui ont nécessairement un impact sur les coûts et sur le dimensionnement de l’appareil.
« Le design d’un objet connecté est essentiellement fonction de sa destination », confirme Emmanuel Torchy, fondateur d’iSwip, une start-up spécialisée dans la conception d’objets connectés, qui a notamment travaillé avec Microsoft sur des applications de gestion du remplissage de conteneurs pour Emmaüs ou la Communauté urbaine du Grand Lyon, ainsi que sur un pilote de mesure de qualité de l’air à Lyon. « Ce qui compte, c’est de bien qualifier les besoins, le type d’objet et la nature des informations que l’on souhaite remonter », poursuit l’expert.
Définir la fréquence d’émission en fonction de l’usage de l’objet
La palette de métiers est tellement large (agriculture, transport, logistique, environnement, assainissement, énergie, maintenance, traçabilité, sécurité, santé, domotique), tout comme le type de données à mesurer (température, pollution atmosphérique, position géographique, mouvement, niveau de remplissage, intensité sonore ou lumineuse), qu’il n’y a évidemment pas de configuration standard. Ajoutons-y le type de capteurs, le niveau de précision attendu pour réaliser à quel point ces boîtiers sont, par définition, hybrides.
Parmi ces différents facteurs : la fréquence d’émission des données collectées par l’objet fait figue d’élément clés (elle pourra être par exemple d’une fois toutes les dix ou quinze minutes pour mesurer l’état du trafic ou la qualité de l’air, par tranche de 24 heures pour de la maintenance ou la supervision de flottes de chantier). Elle dépendra de l’application et de la manière dont elle est programmée. Alors que certaines seront conçues pour envoyer des messages à intervalles réguliers, d’autres n’émettront qu’en cas de mouvement de l’appareil, d’intrusion ou de panne.
Parmi les déclinaisons possibles, les capteurs de présence permettront de savoir si une salle de réunion est occupée ou non tandis que d’autres mesureront des fréquences de vibration comme pour les ascenseurs ou bien le niveau de vibration pour des applications de maintenance industrielle. « La palette est extrêmement large. D’où la nécessité de synchroniser son algorithme dans le temps en fonction de l’usage de l’objet », recommande Emmanuel Torchy. Un élément qui pourra se révéler particulièrement pertinent dans le cas d’un équipement de chantier n’ayant pas vocation à être utilisé la nuit ou durant le week-end, par exemple.
Un encombrement fonction de l’autonomie des batteries
Selon l’usage et la destination, l’impact sur la configuration du boîtier d’émission est déterminant. Alors que les promoteurs des réseaux de type low power wide area (LPWA) comme Sigfox ou Lora assurent que leur infrastructure très bas-débit (avec leurs mini-capteurs et leurs messages courts d’un maximum de 240 octets) garantissent à l’objet une autonomie d’une dizaine d’années, la réalité est sans doute plus nuancée. « Selon que votre objet comporte (ou non) une balise GPS, émet un message toutes les dix minutes ou une fois par semaine, l’autonomie de ne sera pas la même, à moins d’augmenter la taille des batteries, donc du boitier », prévient un spécialiste.
Emmanuel Torchy évoque une configuration moyenne avec un tracker GPS et deux piles au lithium (au format AA) à peine plus grande qu’un paquet de cigarettes. « Elle pourra atteindre une autonomie permettant d’envoyer cinq à six messages par jour durant six ou sept ans », estime-t-il. En réduisant un peu la taille de la batterie pour gagner en encombrement, la durée de vie diminuerait proportionnellement. « La consommation d’un objet est étroitement liée à ses algorithmes et à la manière dont il est programmé », complète Tanguy Jouvet, directeur général de Cybel.
Autre configuration, celle consistant à connecter des conteneurs dotés de capteurs d’ultra-sons afin d’optimiser leur collecte à travers un système mesurant leur degré de remplissage. Une telle application est testée par le Grand Lyon, en partenariat avec Exakis, (une société du groupe Magellan). Reposant sur la plate-forme IoT de Microsoft, elle connecte un échantillon d’une dizaine de conteneurs (sur un total de 400). Ces capteurs permettent également de savoir si un conteneur a été déplacé ou si sa température devient anormalement élevée, signe avant-coureur d’un début d’incendie. Ici, la configuration de l’objet est volontairement « durcie » avec un boîtier (8cmx5cmx5cm) de la taille de deux paquets de cigarettes, plus un système de fixation composé de quatre aimants néodyme particulièrement robustes, le tout pesant de l’ordre de 250 grammes.
Inversement, certains capteurs, comme ceux intégrés dans une porte, afin de mesurer le niveau de fréquentation d’une salle ou d’un site par exemple, ne dépassent pas quelques millimètres d’épaisseur. Souvent reliés à une plateforme d’administration locale à travers un réseau sans fil, ces capteurs peu gourmands en énergie bénéficient alors d’une durée de vie accrue.
Un budget étroitement lié au GPS et à la quantité de boîtiers
Autre volet essentiel, le budget d’un projet IoT. Même si certains acteurs comme Cybeel se positionnent d’emblée sur une facturation à l’usage et selon la valeur apportée par le service, il est intéressant de se pencher sur l’investissement nécessaire afin de rendre un objet « communicant ». Sachant, toutes choses égales par ailleurs, que le coût de la connectivité est assez faible (de l’ordre que quelques euros par an et par objet, selon le nombre d’objets et le volume de messages échangés).
Inversement, le coût du boitier complet dépendra de nombreux paramètres : type de capteurs, qualité des composants et, surtout, volume de production. « Le prix d’un boîtier connecté peut varier de un à dix en fonction de ses fonctionnalités et des quantités commandées », résume Emmanuel Torchy. « Au-delà de 100 000 unités, le prix descend très significativement », ajoute-t-il. « Inversement, à moins d’une centaine de boitiers et selon les fonctionnalités, les prix s’envolent », note-t-il.
Autre facteur de différenciation : la présence ou non d’un GPS embarqué. A moins de 500 boitiers fabriqués, le surcoût d’une application GPS peut facilement dépasser la cinquantaine d’euros. Au-delà de 500 unités, l’option GPS revient à moins de 30 euros par objet. A partir de 100 000 exemplaires, ce coût devient relativement marginal.
Pour se donner un ordre de grandeur, on parle globalement de quelques dizaines d’euros (y compris l’assemblage, la carte électronique, le processeur, le port de connexion et le capteur) pour des séries d’objets connectés au-delà de 100 000 exemplaires.
La question de l’assemblage final de la solution
Dernier élément à prendre en considération, l’assemblage final de la solution auprès d’un spécialiste. Parmi ces derniers, citons Eiffage Energie Electronique (EEE), Promistel ainsi que les très nombreux plasturgistes de la « Plastics Vallée », la plus forte concentration en Europe d’industriels spécialisés dans la plasturgie, autour d’Oyonnax (dans l’Ain). Inutile donc de se tourner vers un sous-traitant asiatique ou taïwanais, d’autant que ces spécialistes de l’assemblage sont réputés pour leur savoir-faire et leur réactivité. « Tout est fabriqué en France », assure Emmanuel Torchy au sujet de cette filière et de ses divers intervenants. Une manière, selon lui, de mettre toutes les chances de son côté en pariant sur la proximité des différents acteurs de la chaîne de valeur, de la conception à l’assemblage de l’objet connecté.
Author : Henri BESSIERE de la rédaction de JDN – Journal du net
Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !
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