« Au Canada, on a encore de la difficulté avec la notion large de design, au-delà de l’esthétique. Celui-ci intègre cependant un large processus qui va de la conception première à la mise en marché, en passant par la fabrication, la définition du produit et bien d’autres étapes », explique Sofiane Achiche, professeur en génie mécanique à Polytechnique.
Design industriel
Si le design se déploie ainsi dans plusieurs branches (urbain, intérieur, graphique), les ingénieurs sont plus particulièrement omniprésents dans l’une d’entre elles : le design industriel. Or, cette discipline, qui touche un grand nombre de consommateurs, progresse chez nous de façon importante. « La proportion d’entreprises manufacturières qui font appel au design est passée de 21 % en 2006 à 40 % aujourd’hui », affirme Bertrand Derome, directeur général de l’Institut de développement de produits à Montréal, et coprésident de l’Association des designers industriels du Québec (ADIQ). « Traditionnellement, les produits manufacturés visaient la consommation de masse, note Geneviève Dionne, coprésidente de l’ADIQ. Les consommateurs demandent toutefois de plus en plus des produits conçus localement, en plus petites séries, et qui intègrent des matériaux recyclables. On voit beaucoup de PME émerger autour de ces notions ».
Pour répondre à cette demande, l’analyse du cycle de vie est essentielle. Cette discipline, mise au point par les ingénieurs et dans laquelle le CIRAIG de Polytechnique fait figure de proue à l’échelle internationale, veille à choisir les matériaux et les procédés de fabrication les plus propices à l’environnement. Et ce, de la conception d’un produit jusqu’à sa mise au rancart et son recyclage.
Améliorer l’expérience utilisateur
Le design est également en train de gagner une foule de secteurs qui lui étaient auparavant imperméables, notamment la sphère des services. C’est ce que fait, par exemple, le Desjardins Lab, qui applique à la conception d’un service tout le processus formel que les ingénieurs et les designers ont mis au point pour la conception de produits industriels.
Les ingénieurs ont aussi un rôle à jouer dans la conception des objets intelligents . Une foule d’acteurs, tout particulièrement les ingénieurs mécaniques, électriques et électroniques, planchent ainsi sur l’expérience utilisateur (le « UX ») pour concevoir des programmes aussi complexes que puissants, dont les interfaces sont simples d’utilisation.
En effet, là où on nous vendait à une époque de simples thermostats de résidence dont la programmation était le plus souvent pénible, on nous vend maintenant des systèmes domotiques intelligents qui créent une expérience totale de vie au foyer. Ils analysent nos allées et venues, toutes nos habitudes, se servant de ces données pour régler les niveaux de chauffage, d’humidité et d’éclairage sans intervention humaine.
Design émotionnel
Avec les nouvelles technologies émergent de nouvelles tendances et de nouveaux besoins, dans lesquelles les ingénieurs ont un rôle à jouer. C’est le cas du « design émotionnel », signale M. Achiche. Cette discipline a recours à une foule de métriques – lecture des mouvements oculaires, du toucher, des réactions auditives – pour analyser les réactions affectives des individus. Dans ses navigations sur Internet, on peut suivre à la trace tous les déplacements d’une personne pour déceler ses moindres hésitations et intérêts. Ainsi, note le polytechnicien, « on peut réduire la distance entre la réponse du consommateur que le designer pensait évoquer et ce que le consommateur ressent et pense réellement ».
Un tel design émotionnel est sur le point de prendre encore plus d’expansion. Près de 200 chercheurs – ingénieurs, informaticiens, psychologues – collaborent à l’échelle mondiale au myPersonality Project pour perfectionner un système informatique qui permet d’établir des profils individuels d’une précision incomparable simplement à partir des « J’aime » affichés par les adeptes de Facebook.
Ces profils, résultats de l’analyse de l’empreinte numérique des personnes, tracent un portrait plus juste de leur personnalité que ne peuvent le faire des proches dans le monde réel. Ainsi, 150 « J’aime » permettent au système d’établir un portrait très fidèle de la personnalité de quelqu’un. Au-delà de 300, le système en vient à connaître l’individu mieux qu’il ne se connaît lui-même !
Attention ! Ces développements portent aussi un côté sombre, comme des témoignages d’ex-employés de Facebook et de Google nous l’apprennent. Dans ces firmes, il ne s’agit plus seulement d’optimiser l’expérience du consommateur, mais de mouler son comportement et de moduler sa réponse, au point de le rendre dépendant du produit et du service.
Auteur : Yan Barcelo pour Les affaires
Vignette de l’article : Le design émotionnel est sur le point de prendre encore plus d’expansion. Deux cents chercheurs collaborent à l’échelle mondiale au myPersonality Project pour perfectionner un système informatique qui permet d’établir des profils individuels à partir des «?J’aime?» affichés par les adeptes de Facebook. [Photo : Getty Images]
Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !
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(i) . Informatif