Céramique, costumes, machines à café, cathédrales: Giò Ponti, le père du design italien moderne, a fait de tout. Il était temps de lui consacrer une exposition [au MAD à Paris NDLD].
« Je suis un artiste tombé amoureux de l’architecture », déclarait Giovanni ‘Giò’ Ponti (1891-1979). Le créateur milanais était peut-être un peu trop modeste, car on peut sans hésiter le qualifier de créateur pluridisciplinaire. Un bourreau de travail qui jonglait avec l’art, l’architecture et le design et pour qui la ‘beauté’ était primordiale. Lorsque, pendant la Première Guerre mondiale, il se voit contraint d’interrompre ses études d’architecture pour prendre les armes (il combat notamment en Autriche), ce n’est pas la violence qui lui laisse l’impression la plus marquante, mais la beauté de l’architecture Renaissance qu’il découvre pendant son service militaire.
Margo Vansynghel pour https://www.lecho.be
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Après la guerre, Ponti est directement engagé comme directeur artistique de Richard Ginori, une fabrique de céramique un peu démodée. Le jeune homme dépoussière habilement l’image de Ginori avec des vases et des bols néo-classiques ludiques et colorés. Il se forge également une réputation et, très vite, les commandes de design et d’architecture affluent.
Si ses créations de l’époque paraissent encore relativement classiques, elles sont pourtant déjà modernes: c’est l’Italien qui introduit les meubles modulaires et les cloisons coulissantes par exemple, comme la traduction de l’idée que l’intérieur doit s’adapter à l’homme et non l’inverse.
Après la Seconde Guerre mondiale, Giò Ponti devient le moderniste qu’il a toujours été. Mais un moderniste ludique, qui laisse toujours la place à la couleur, aux motifs et à la lumière. Des réalisations telles que l’innovante tour Pirelli à Milan (et sa forme évoquant un diamant, récurrente chez Ponti), la Villa Planchart à Caracas, le premier ‘hôtel design’ d’Italie (le Parco dei Principi à Sorrente), revêtu de céramiques colorées et doté de grandes fenêtres, sont toujours actuelles. Suivent des intérieurs pour bateaux de croisière, ainsi que le Denver Art Museum et le Bijenkorf à Eindhoven. Dans de nombreux cas, le Milanais réalise lui-même les fresques pour les bâtiments qu’il conçoit.
Il dessine avec tout autant de plaisir la chaise hyper-légère ‘Superleggera’ (éditée sans interruption chez Cassina depuis plus de cinquante ans) ou la lampe ‘Bilia’, une boule juchée sur un cône, pour FontanaArte. En parallèle, il fonde le magazine de design Domus, qu’il dirigera également pendant des années.
Père du design italien moderne
Au cours de sa carrière de plus d’un demi-siècle, Ponti, marié et père de quatre enfants, travaille pour plus de 120 entreprises. Ce qu’il fait depuis le studio à domicile qu’il a conçu dans les moindres détails. Il travaille toute la journée, ne dort que cinq heures et passe le reste de la nuit derrière sa table à écrire et dessiner.
« Il aimait être entouré de sa famille », témoignait sa fille Lisa au journal britannique The Guardian. « Mais il ne faisait pas vraiment attention à nous, parce qu’il était absorbé par son travail. Nous vivions dans son paysage, mais il ne vivait pas dans le nôtre. Il était tellement perdu dans ses missions qu’un jour, après avoir promis d’aller chercher ses filles aînées à l’école, il rentre seul à la maison. Il s’était rendu à la mauvaise école, celle de son enfance. »
Pour en savoir plus sur le père du design italien moderne, il faudra se rendre la semaine prochaine à Paris, où l’héritage artistique de Ponti sera présenté lors de la rétrospective ‘Tutto Ponti: Giò Ponti, Archi-Designer’. L’exposition, présentée au Musée des Arts Décoratifs, reflète l’oeuvre éclectique de Ponti à travers plus de 400 expositions, des céramiques Ginori aux luminaires FontanaArte. Des créations jamais sorties de leur lieu d’origine et des pièces de collections privées seront exposées dans une scénographie signée par Jean-Michel Wilmotte et Salvatore Licitra, les curateurs étant Sophie Dumas et Dominique Forest. Les visiteurs se « promèneront » dans la maison de Ponti sur la via Dezza, dans la Villa Planchart et dans l’hôtel Parco dei Principi.
L’amour de Ponti pour les expérimentations en matière de forme, de couleur et de matériau devient également tangible.
« Le matériau le plus résistant n’est pas le bois », estimait-il. « Ni la pierre, ni l’acier, ni le verre. Le matériau le plus résistant dans un édifice, c’est l’art. Alors, faisons quelque chose de très beau. »
Un homme éclectique, preuves à l’appui.
1. Chaise D.235.1 (1935)
Ponti a utilisé de l’aluminium pour les murs latéraux et même les châssis de fenêtres et les toitures du bâtiment Montecatini. Ce que l’on sait moins, c’est qu’il aimait tellement ce matériau, à l’époque un sommet de modernité, qu’il l’avait aussi choisi pour des chaises, des bureaux, des lampes et des placards. En 2012, le label italien de mobilier Molteni a réédité la chaise ‘Montecatini’ en aluminium poli.
2. Costumes pour La Scala de Milan (1939-1954)
Ponti était un artiste polyvalent et rares étaient les disciplines dans lesquelles il n’osait pas s’aventurer. Au milieu des années 40, il s’est mis à la scénographie et à la création de costumes pour des productions d’opéra et de ballet à la Scala de Milan. Il a notamment dessiné des costumes pour une représentation d »Orphée et Eurydice’ de Christoph Willibald Gluck.
3. Tour Pirelli à Milan(1956)
Peu d’expériences architecturales résistent aussi brillamment à l’épreuve du temps que la tour élancée conçue par Ponti pour le fabricant de pneumatiques Pirelli. Culminant à 127 mètres, elle fut la deuxième plus haute tour d’Italie jusque dans les années 1990. Elle est devenue le symbole de la renaissance économique de la Péninsule après la défaite de la Seconde Guerre mondiale.
4. Table D.859.1 (1959)
Cette table en frêne de 3,6 mètres de long aux pieds écartés était le joyau de l’auditorium conçu par Ponti dans l’immeuble Time-Life à New York. L’auditorium a été démantelé dans les années 80 et son mobilier dispersé aux enchères. Le label italien Molteni, qui réédite depuis plusieurs années le mobilier de l’architecte grâce à un contrat d’exclusivité passé avec les archives Giò Ponti, a lancé une édition destinée au grand public lors du dernier salon du meuble de Milan.
5. Parco dei Principi (1960-62)
Quand Ponti concevait un intérieur ou un bâtiment, il ne laissait rien au hasard. Outre le mobilier et l’aménagement intérieur du premier hôtel design d’Italie, le Parco dei Principi à Sorrente (côte Amalfitaine), il dessine les carrelages majoliques, soit plus d’une trentaine de motifs différents dans les tons bleus et blancs. La série ‘Blu Ponti’, soit onze d’entre eux, sont toujours disponibles chez Ceramica Francesco De Maio.
« Tutto Ponti : Giò Ponti, Archi-Designer » se déroule du 19 octobre au 10 février 2019 au Musée des Arts Décoratifs à Paris. www.madparis.fr
- Auteur de l’article : Margo Vansynghel
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Vignette de l’article : Parco dei Principi (1960-62). ©rv
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