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**** La FashionTech transite vers une mode plus responsable

L’industrie textile est en pleine transformation. Ses objectifs ? Devenir plus propre, plus éthique, plus responsable. Comment la technologie peut-elle faire de la mode un secteur plus vert et plus intelligent ?

Le dernier rapport de la fondation Ellen MacArthur alerte sur la pollution que génère l’industrie de la mode et entend redessiner l’avenir du secteur. Selon celui-ci, l’industrie textile est aujourd’hui construite sur un modèle obsolète et polluant, qu’il faut désormais réinventer au nom de l’environnement. Les vêtements usés ne sont encore que trop rarement recyclés, et libèrent chaque année 500 000 tonnes de microfibres dans l’océan, ce qui équivaut à plus de 50 milliards de bouteilles en plastique. Il est donc nécessaire de repenser toute la chaîne de production, et d’explorer à la fois de nouveaux matériaux et modèles commerciaux.

Les start-up de la FashionTech sont prêtes à relever le défi. Parmi celles qui cherchent à produire autrement, deux tendances se dégagent : la production naturelle (raisins, champignons et maïs sont autant de sources végétales qui peuvent être transformées en textile), et la production technologique (en misant par exemple sur l’impression 3D). Les deux tendent vers le même objectif : faire de l’industrie textile un secteur plus respectueux de l’environnement.

De nouveaux matériaux pour une production écologique

La nature est prise comme muse par de très nombreux entrepreneurs. Certains misent tout sur les sources végétales : la start-up italienne Vegea travaille ainsi sur des tissus biosourcés et utilise le marc de raisin pour imaginer des vêtements, mais aussi des sacs et des chaussures écologiques et durables ; tandis que, toujours en Italie, Grado Zero Espace a lancé Muskin, le cuir végétal 100% biodégradable produit à partir de spores fongiques. Les champignons ont également été source d’inspiration pour le projet MycoTEX, qui a fait partie l’an dernier des premières start-up à intégrer le programme de l’accélérateur Plug and Play – Fashion for Good basé à Amsterdam et axé sur l’impact à la fois social et environnemental de l’industrie de la mode.

Les Start-ups

Agraloop faisait également partie des douze finalistes : la bio-raffinerie proposait alors de transformer les résidus des cultures vivrières tropicales en fibres textiles, notant que la culture de la banane par exemple, à elle seule, produit chaque année 270 millions de tonnes de déchets dont la combustion est responsable de 10% des décès liés à la pollution atmosphérique. De la même manière, à San Francisco, Ambercycle Inc. produit, à partir de déchets plastiques, du polyester qui peut à nouveau être utilisé pour la production de fibres textiles synthétiques. La technologie mise au point par ses fondateurs, particulièrement étonnante, repose sur l’absorption des matières plastiques par des micro-organismes. Une action qui s’inscrit dans une démarche de recyclage essentielle, à laquelle prennent également part des entreprises une fois que le vêtement a été « consommé ».

55 000 tonnes de vêtements ont été collectées par H&M en cinq ans, soit l’équivalent textile de 270 millions de tee-shirts

Du côté des grandes marques et des designers, on trouve également des initiatives en ce sens. Dans le cadre d’un partenariat de quatre ans avec la fondation H&M lancé en septembre 2016, une équipe de l’Institut de recherche textile et habillement de Hong Kong (HKRITA) a notamment développé, en collaboration avec les universités japonaises d’Ehime et de Shinshu, un processus hydrothermal qui permet de recycler les textiles mixtes en séparant les mélanges de coton et polyester. Les résultats, encourageants, devraient être commercialisés prochainement. La chaîne suédoise, qui collecte depuis cinq ans les vêtements usagés dans tous ses points de vente, a participé à la transformation de plus de 55 000 tonnes de vêtements (réutilisés ou recyclés).

Enfin, la fabrication additive n’est pas en reste, et se révèle particulièrement écologique. Un vêtement imprimé en trois dimensions permet d’éviter tout gaspillage de matières. Des créateurs se sont penchés sur cette technologie – pour n’en citer que quelques-uns : Iris van Herpen dès 2012, threeASFOUR en 2013, mais également Francis Bitonti et Michael Schmidt lors d’une collaboration particulièrement médiatisée, avec la danseuse burlesque Dita Von Teese comme modèle pour leur robe imprimée. Feu Electroloom s’était également lancé dans l’aventure en 2015, avec une campagne de financement participatif pour soutenir son projet d’impression textile en 3D. Aujourd’hui, les chercheurs ne se contentent plus seulement d’imprimer, mais aussi d’embrasser le changement en proposant des vêtements modulables : au MIT, une encre photochromique permet ainsi d’activer plusieurs couleurs sur une bague, et ladite technologie devrait être appliquée aux vêtements dans un futur proche.

Un entretien moins consommateur d’eau

556,2 MILLIARDS DE LITRES D’EAU UTILISÉS CHAQUE ANNÉE AUX ÉTATS-UNIS DANS LES HÔTELS POUR LES LESSIVES

Après fabrication, tous les autres moments de vie d’un vêtement sont à repenser. Alors que la production d’un kilogramme de coton requiert plus de 20 000 litres d’eau, plusieurs start-up pensent à l’économiser ensuite, et ont travaillé sur des techniques de lavage plus écologiques. Basée au Colorado, TERSUS Solutions a lancé une machine à laver fonctionnant au gaz carbonique liquide (LCO2). Le procédé, réalisé sans eau, est d’autant plus efficace qu’il permet d’éliminer la quasi-totalité des hydrocarbures aromatiques polycycliques généralement présents sur les vêtements de travail portés dans l’industrie lourde et exposés à une pollution chimique. Xeros estime qu’aux États-Unis, les hôtels consomment chaque jour plus d’un milliard et demi de litres d’eau pour leurs lessives. La société a donc développé un système de nettoyage substituant des millions de billes de polymère recyclables au savon traditionnel, réduisant ainsi la quantité d’eau nécessaire de plus de 75%.

Il y a quelques années également, la designer française Elie Ahovi avait imaginé Orbit, une machine à laver sans eau, dans le cadre de la compétition Design Lab d’Electrolux (aujourd’hui Electrolux Ideas Lab). Le dispositif avait été pensé comme une sphère en lévitation grâce à des électro-aimants supraconducteurs refroidis par de l’azote liquide. Pour le dire plus simplement, il s’agissait d’utiliser de la glace carbonique (dioxyde de carbone sous forme solide) pour nettoyer le linge cryogéniquement. Le projet n’a cependant pas été commercialisé.

Plateformes de location et abonnement : consommer moins pour s’habiller mieux

Si on se tourne cette fois vers l’économie circulaire, on constate que les garde-robes conservent désormais leur flexibilité grâce aux plateformes d’échanges et de location en ligne. Vinted, lituanienne, est particulièrement connue pour la seconde main. Et plutôt que d’acheter, neuf ou d’occasion – San Francisco est particulièrement réputée pour ses fripes –, d’autres développent des solutions de location, pensées à la fois pour les petits budgets et ceux qui souhaitent réduire leur empreinte écologique tout en alimentant l’économie du partage. En Europe, Tale Me permet de louer au lieu d’acheter. La start-up belge s’adresse aux futures mamans et aux nourrissons : elle propose des vêtements de grossesse et de bébés à la location, pour accompagner la croissance de l’enfant et les changements de morphologie chez la mère.

Regard d’expert

« L’industrie textile n’aura probablement que peu d’intérêt pour la mode jetable à l’avenir » David Oates, CEO de Curtsy

Aux États-Unis, la start-up californienne Curtsy le propose aussi. David Oates, CEO de la plateforme de location de pair-à-pair, explique : « Nos clients sont principalement à l’université », laissant sous-entendre que leur budget est restreint. Même si certains d’entre eux sont certainement à la recherche d’un moyen de faire des achats durables et respectueux de l’environnement, « la plupart apprécient le concept pour son prix : ils souhaitent être en mesure de louer un article à prix abordable, dans notre cas à 80 ou 90% de rabais. L’achat d’un article neuf est inutile en comparaison, car le consommateur ne le porte généralement qu’une seule fois, surtout s’il s’agit d’une pièce de mode plus formelle. » Si la start-up n’envisage pas pour l’instant de se lancer dans le recyclage, David Oates reconnaît que « l’impact de Curtsy sur les déchets dans l’industrie de la mode pourrait être énorme ». Il ajoute que l’avenir de cette industrie n’aura probablement que peu d’intérêt pour la mode jetable, soulignant que les solutions de location, plus responsables, prendront certainement encore plus d’ampleur. « Il y a tellement d’entreprises passionnantes qui changent le paysage en ce moment – Stitch Fix, Rent The Runway en sont deux excellents exemples. »

Désintoxiquer l’industrie

76 MARQUES et fournisseurs textiles engagés dans la désintoxication

Les grandes marques aussi sont concernées par ce changement, et Greenpeace, dans sa campagne Detox, salue leurs initiatives : en 2016, le think tank a évalué quelques-uns des 76 marques et fournisseurs textiles qui se sont engagés à ne plus utiliser de substances chimiques toxiques dans leur chaîne de production d’ici 2020 (et qui, à eux seuls, représentent environ 15% de la production textile mondiale). Si Inditex (Zara), Benetton et H&M font figures de bons élèves, Nike, Esprit et Victoria’s Secret sont épinglées pour leur désengagement. L’ONG a également mené une campagne de prévention encore plus spécifique, Detox Outdoor, qui se concentre sur les marques de vêtements destinées aux producteurs d’équipements de plein air, en leur mettant devant leurs contradictions – déclarer aimer la nature et la polluer, en utilisant des hydrocarbures perfluorés, particulièrement dangereux, dans leur chaîne de production.

Smart city : Le vêtement intelligent ne va pas à l’encontre de la mode

Puma et Adidas sont à l’inverse applaudis pour leur engagement dans la substitution de ces produits. Adidas, déjà à l’origine du projet de chaussures produites à partir de 95% de plastique océanique récupéré près des Maldives (mené en partenariat avec Parley for the Oceans), avait annoncé pour 2017 un objectif de production d’un million de paires de baskets provenant de matières plastiques présentes dans l’océan – objectif qui équivalait au recyclage d’onze millions de bouteilles en plastique. L’équipementier allemand s’est encore illustré récemment en réutilisant le tissu des sièges du métro berlinois pour sa dernière création. Une pièce autant écologique que technologique, puisqu’elle sert également de titre de transport électronique à ses porteurs. Preuve que certains acteurs redéfinissent la fonction première du vêtement… pour passer de l’utilitaire à l’innovation. On peut ainsi imaginer, pourquoi pas, que les vêtements connectés ouvriront à leur tour le champ des possibles de la FashionTech, en dessinant une alliance plus vertueuse entre mode et nouvelles technologies.

Auteur : Marie-Eléonore Noiré pour https://atelier.bnpparibas/

Vignette de l’article : Credits: Shutterstock

Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !

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