Revue de presse » Il serait une fois… des Topiques dans la ville : Isabelle Daëron

Il serait une fois… des Topiques dans la ville : Isabelle Daëron

Lauréate 2015 du concours Audi talents awards dans la catégorie design, Isabelle Daëron investira l’espace urbain parisien pendant D’Days avec son projet dit des « Topiques ou l’utopique désir d’habiter les flux ».

Diplômée de l’ESAD (Reims) et de l’ENSCI Les Ateliers (Paris), Isabelle partage aujourd’hui son temps entre la recherche, son propre studio de design, l’enseignement et des projets dont ceux qu’elle peut performer grâce au programme d’accompagnement dont bénéficient les lauréats des Audi talents awards.

D’Days : Au nombre de tes activités de designer, il y a la recherche scientifique. Peux-tu nous en dire plus ?

Isabelle Daëron : En fait, après mes études j’ai rapidement travaillé à mon compte et en parallèle j’ai rejoint le Pôle Recherche de la Cité du Design de Saint Etienne. J’y participe toujours, sous la direction d’Olivier Peyricot, avec d’autres designers nous y menons des travaux qui vont des réseaux d’eau intelligents aux énergies renouvelables. Le pôle mène des études d’usage avec des sociologues, conçoit des projets avec des directions de l’innovation sur les nouveaux services par exemple. Il y a encore peu de lieux consacrés à la recherche en design en France …

DD : Pendant la prochaine édition du Festival D’Days nous découvrirons les Topiques. Quelle est la genèse de ce projet ?

ID : Les Topiques sont le fruit d’une longue réflexion. Déjà, mon projet de diplôme pour l’ENSCI portait en partie sur l’usage de l’eau pluviale à Paris. Dans ce cadre je m’étais documentée sur la mise en place des réseaux hydrauliques au XIXème sous Haussmann avec l’ingénieur Eugène Belgrand. Mon projet de fin d’études a donc été une fontaine publique filtrant l’eau de pluie pour la rendre potable. J’ai essayé de le prolonger. Il était lui-même né d’une recherche antérieure. Certains théoriciens du design, comme Branzi ou Manzini disent que le design doit contribuer à l’habitabilité du monde et au mieux habiter. Cette notion m’a plu bien qu’après étude, j’ai compris qu’elle était assez naïve. Car l’habitabilité c’est une technique, et surtout selon les époques elle change, et est souvent emprunte d’une utopie, d’une conception idéale du monde. Au XIXème, il s’agira d’une conception plus hygiéniste puis aujourd’hui d’une conception écologiste. Puis bien souvent dans la réalité, c’est la technique qui va primer sur le projet de l’habitable pour aboutir à un mode habité standard et normalisé, la moindre relation entre l’habitant et habitat étant optimisée ! Que faire ? Bien que le projet soit ambitieux, il faut travailler à un monde plus habitable. Ce qui selon moi peut commencer par les échanges entre l’être humain et son milieu. Puis j’ai focalisé ma recherche sur le cas particulier de l’eau, précisément l’eau de pluie. Donc de mon premier projet qui était une fontaine, j’ai compris que l’on pouvait l’étendre au vent, à la lumière du soleil … pour arriver à des prototypes à tester dans différents lieux. Travailler à partir de lieux dans des contextes extrêmement précis, c’est ce qui m’intéresse ! D’ailleurs j’ai aimé les propos de Ramy Fischler dans la newsletter D’Days de février ; il est passionnant et c’est essentiel de travailler à partir de contextes précis, car nous les designers créons dans la contrainte : des matériaux, des intervenants … Voilà, cela fait 6 ans que j’expérimente ces sujets, par le biais de rencontres, de commandes, d’appels à projets et de candidatures comme maintenant avec les Audi talents awards.

DD : On serait tenté de limiter ton champ de recherche et d’application à l’eau ? Est-ce que tu souhaites te spécialiser dans ce domaine ?

ID : Non car le projet Topiques porte sur les flux naturels dans l’espace public. Pas spécifiquement l’eau. J’ai la chance qu’il soit porté par Audi talents awards mais j’ai aussi des projets récents très différents comme avec l’association France Alzheimer, valoriser l’aspect sensible, engagé de l’association et la diversité de ses actions. J’ai fait de la scénographie, des projets dans le domaine de l’agroalimentaire… L’année dernière j’ai participé à l’exposition « Secondes vies, Métamorphoses du matériel sportif » avec le Ministère de la Culture et de la Communication, pour laquelle ma proposition a été « Mémoires d’une balle au bond » ou le recyclage des balles de tennis ! Je suis assez ouverte dans mes choix ! J’ai également deux autres projets en préparation dans le cadre des Audi talents awards et qui seront dévoilés d’ici la fin d’année, dont un sur la lumière.

DD : Au travers des Audi talents awards il y a une notion évidente de transferts de savoirs et de partage. Comment cela se traduit-il dans ton activité ?

ID : J’enseigne à l’Ensad, en 1ère année, auprès de jeunes à qui il est important d’expliquer les enjeux du design et ce au delà du dessin de mobilier comme on peut le percevoir dans la presse par exemple. À qui il faut enseigner la méthodologie tout en les encourageant à ne pas s’enfermer. Les étudiants ont besoin de comprendre que le “faire”, l’action de produire, est essentiel, car c’est un déclencheur, un moteur qui fait évoluer les choses. Faire de la recherche, enseigner, toutes ces activités se nourrissent mutuellement.

DD : Difficile de ne pas te poser la question de l’objet. Tu n’es pas éditée pour le moment.

ID : Si dans le cadre de mes études j’ai imaginé un vase pour Saint Louis. Mais non je n’ai pas réalisé de produit édité. Mais l’objet n’est pas une fin en soi. Pas au détriment de la réponse à un enjeu. Finalement ma réponse à cette question c’est un peu Victor Hugo qui dit que “La forme, c’est le fond qui remonte à la surface”.

Source : http://www.ddays.net/