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Innovation : des éoliennes silencieuses comme des chouettes

Les ailes des grandes chouettes sont connues pour ne faire presque aucun bruit. Des chercheurs viennent de s’en inspirer pour créer un revêtement qui rendrait les pales d’éoliennes quasi silencieuses.

C’est à l’Université de Virginia Tech aux Etats-Unis que le prototype a été testé. Un prototype en plastique, fabriqué avec une imprimante 3D, suivie de deux ans de tests et d’ajustement. Résultat : une réduction du bruit de 10 décibels, sans impact sur l’aérodynamisme, et une annonce récemment publiée par l’université anglaise de Cambridge qui, elle, a fait du bruit dans le petit monde du« biomimétisme » (1).

Son titre ? « Comment les chouettes pourraient rendre les turbines d’éoliennes et les avions plus silencieux ». Aujourd’hui, Nigel Peake ne voit plus les chouettes de la même manière.

Chouette aux ailes d’or

A Cambridge, Nigel Peake est professeur et chercheur en mathématiques appliquées. Quel rapport avec les rapaces nocturnes ? « Avec les mathématiques appliquées, on s’intéresse aux problèmes du monde réel », explique-t-il, avant de préciser que la réduction de bruit pour l’industrie aéronautique fait bien partie de ses spécialités. Quand il a appris il y a quelques années que certaines chouettes avaient deux caractéristiques uniques qui les rendaient particulièrement silencieuses, il a vite fondu sur le sujet, bientôt rejoint par des collègues américains. Une chouette idée.

Comme les avions, une grande partie du bruit que font les rapaces lors de l’atterrissage vient de l’extrémité des ailes, en raison des turbulences créées. Comment, dans ces conditions, peuvent-ils approcher des proies à l’ouïe très fine, par exemple les petits mammifères, sans être détectés ? Réponse des Grands ducs de Sibérie, des chouettes effraie et de Laponie : s’équiper, grâce à l’évolution darwinienne, d’une sorte de pinceau silencieux à l’extrémité des ailes.

« Si vous observez au microscope la surface supérieure de leur aile, vous observez une structure très intéressante, comme un mini revêtement en velours, qu’aucun autre oiseau, pas même les petites chouettes, ne possède », précise Nigel Peake. De quoi atterrir sur sa proie sans qu’elle ait le temps de broncher.

Négociations avec un industriel

Ces deux caractéristiques n’ont pas été découvertes par Nigel et ses collègues de Virginia Tech : eux se sont concentrés sur la conception d’un revêtement inspiré des ailes, pour réduire les décibels produits.

Après des tests sur une pale d’éolienne, effectués dans un « banc d’essai » à Virginia Tech, les résultats ont été présentés fin juin 2015. Prochaine étape : le tester dans la vie réelle. « Nous sommes en négociations avec un gros industriel pour réaliser des tests grandeur nature », précise à ce sujet Nigel Peake. Un brevet a été déposé.

A la nuit tombée, de retour dans sa maison proche de Cambridge, le mathématicien affirme qu’il voit parfois une chouette voler. Il pose sur elle un autre regard et calcule d’autres applications, par exemple pour les ventilateurs d’ordinateur. Pour ce qui est des éoliennes, si un industriel parvient à concrétiser l’invention, ce sera le bruit, un de leurs points faibles, qui s’envolera. De quoi faire un peu de ramdam chez leurs détracteurs.

(1) Le biomimétisme désigne une démarche d’innovation, qui adapte « des principes et stratégies élaborés par les organismes vivants et les écosystèmes, afin de produire des biens et des services de manière durable » (source : biomimicry.eu).

Author : Thibault LESCUYER de l’Agence Créative CulturElle pour Le Parisien

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Photo : Vue du revêtement soyeux d’une aile de hibou grand duc de Sibérie – Crédit photo : J. Jaworski and I. Clark

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Vignette de l’article : La bordure d’une aile de chouette, une nouvelle matière dont s’inspirent les scientifiques pour créer des éoliennes. Crédit photo : J. Jaworski and I. Clark