L’innovation technologique la plus renversante ne saurait sortir des entreprises qui maîtrisent déjà parfaitement tous les codes d’un domaine ou d’un produit. Les secteurs des télécommunications et de l’informatique l’ont pointé du doigt, le secteur de l’automobile le confirme encore une fois.
Des cris de fureurs et un énervement marqué contre ses équipes d’ingénieurs. Ainsi avait réagi le PDG de France Telecom lorsqu’il avait réalisé qu’une bande de copains avait conçu et sorti sur le marché le produit sur lequel des centaines parmi les meilleurs ingénieurs télécom français planchait depuis des années : une box triple play, offrant simultanément accès à Internet, au téléphone et à la télévision.
La première mondiale, c’est une petite équipe de copains qui créait la Freebox à partir d’un concept imaginé par Xavier Niel en 2001. La norme du triple play mise en œuvre par des bricoleurs inconnus et visionnaires, mais pas par les ingénieurs de chez AT&T, de Deutsche Telecom, de British Telecom ou de France Telecom… L’histoire du garage à Palto Alto où fut créé le premier ordinateur de ce qui deviendra HP se répéterait-elle donc toujours et encore ?
Dans le domaine de l’automobile, le scénario semble se confirmer. Si les grands constructeurs mondiaux nous promettent la voiture du futur depuis plus de 20 ans, il semble presque certain maintenant qu’elle ne viendra pas d’eux. Si Toyota a frappé un grand coup avec sa voiture hybride et connaît un réel succès, pour les autres, l’innovation semble être en panne au sens propre et au sens figuré.
La voiture électrique proposée par les grands constructeurs ne décolle pas ni en termes de reconnaissance, ni en termes de vente. Les scores de la Chevrolet Volt, de la Nissan Leaf ou de la Renault Zoe ou encore Peugeot iOn restent très confidentiels.
L’innovation, la vraie, celle qui renverse les tendances et est réellement adoptée vient encore une fois de ceux qui ne savent pas a priori, ou tout au moins qui sont tout à fait nouveau dans un domaine. Une voiture électrique qui propose enfin une autonomie digne de ce nom, c’est Tesla qui l’a conçue et produite. Un succès aux USA : 10 000 véhicules vendus sur les trois premiers mois de 2015 à près de 60 000 dollars l’unité…
La voiture qui se conduit seule, sans chauffeur, existe bel et bien et va rouler dès cet été sur les routes de Californie. Ce ne sont ni Chrysler, ni Ford, ni une marque du groupe GM qui la propose, mais une entreprise de haute technologie qui a son cœur de métier autour d’un moteur de recherche : Google. La voiture qui rétrécit et qui s’adapte à l’environnement urbain existe également déjà.
Elle nous vient d’Allemagne, mais pas du groupe Wolkswagen. Elle nous est proposée par des chercheurs allemands spécialisés en robotique, une voiture semi-électrique et autonome qui peut se déplacer latéralement, qui peut rétrécir et même de tourner sur place. Qui dit mieux pour nos futures mégapoles encombrées et polluées ?
Pour réellement innover, éloignons-nous donc de nos standards et de nos zones de confort. La vraie innovation vient d’ailleurs, là où on ne l’attend pas. Ce sont ceux qui en connaissent le moins sur un secteur, un domaine ou un produit qui ont régulièrement fait émerger les innovations qui ont marqué notre époque contemporaine. Soyons donc ouverts à tous les univers féconds qui nous entourent, c’est de là que viendra demain.
Author : Pierre-Yves SANSEAU, Professeur à Ecole de Management de Grenoble pour Les Echos