La marque Thuasne, leader européen sur le marché des textiles médicaux, est très présente sur la biennale design de Saint-Etienne. Sa dirigeante, Elizabeth Ducottet, a fait le choix d’intégrer le design en amont du processus de conception. Avec succès, mais non sans quelques tâtonnements.
Poil à gratter ? Gardien du Temple ? Outil de compétitivité ? C’est un peu tout cela le design. Et c’est sans doute la raison pour laquelle il reste relativement mal compris du monde économique. « Il n’y a pas assez d’entreprises qui ont intégré le design, peut-être parce que nous n’avons pas trouvé le bon argument en matière de retour sur investissement », constate Ludovic Noël, directeur général de la Cité du design de Saint-Etienne et représentant du réseau rhônalpin Codesign.
Au départ, un épiphénomène
Pourtant, certaines entreprises ont bien saisi l’enjeu et déjà pris une longueur d’avance. C’est le cas de la société stéphanoise Thuasne, leader européen sur le marché des textiles médicaux (182 millions d’euros de chiffre d’affaires, 1 500 salariés). Sa dirigeante, Elizabeth Ducottet, explique : « Dans une industrie comme la nôtre, le design arrive souvent un peu par hasard. Au départ, nous l’avons cantonné au rang d’épiphénomène intervenant en fin de conception de produit pour rajouter un peu de couleur ou modifier une forme, mais ce n’était pas très opérant. »
Après quelques tâtonnements, l’entreprise, qui investit chaque année 3,5 % de son chiffre d’affaires dans la R&D, franchit un cap et embauche une design manager. « Quand vous embauchez un designer, il est perçu comme quelqu’un qui va déranger, mais c’est un dérangement productif, car le design apporte le doute et on ne peut pas demander mieux », analyse Elizabeth Ducottet.
Enthousiasme collectif
Depuis lors chez Thuasne, le design est intégré dès l’amont de la conception de produit. C’est ainsi que la marque a lancé récemment les premières chaussettes de contention en laine mérinos. « Dans notre secteur, les produits étaient extrêmement laids, caricaturaux, et les patients n’avaient pas envie de les montrer, souligne Elizabeth Ducottet. Nous avons progressé et maintenant ils n’ont plus envie de les cacher. »
Reste qu’en interne, l’un des grands défis est de rendre le design transversal. « Le vrai progrès dans l’industrie, c’est que chacun dans l’entreprise intègre la dimension design, estime la dirigeante. Il faut réussir à créer un enthousiasme collectif autour de la création de produit. Le design peut donner lieu à une démarche managériale. »
Difficile à mesurer
En revanche, difficile de mesurer concrètement les retombées du design en matière de ventes, de marges, de parts de marché ou de notoriété. Selon Elizabeth Ducottet , la vraie question n’est pas là : « on ne peut pas vouloir un résultat mesurable immédiat et quantitatif. Personnellement, c’est davantage sur l’aspect qualitatif et du succès auprès du client que je vais chercher un retour sur investissement. »
Auteur : Yann Petiteaux pour La Tribune