INTERVIEW : Le Lieu du design à Paris accompagne et met en relation les entreprises avec des designers. Pour son directeur général Stéphane Simon, l’investissement est largement rentabilisé, quel que soit le secteur d’activité.
Inauguré en 2009, le Lieu du design à Paris a déjà accompagné plus de 900 projets portés par des entreprises dans de multiples secteurs. L’exposition Design Power actuellement à l’affiche présente les principales réalisations produites en collaboration avec un designer (voir diaporama). L’occasion de montrer et de démontrer que le design peut être un puissant levier de croissance lorsqu’il est intégré en amont du processus d’innovation. Stéphane Simon, le directeur général du Lieu du design, analyse les freins à la co-conception et son travail d’accompagnement pour faciliter les coopérations entreprise-designer.
Quel est le but de l’exposition Design Power ?
Il est de montrer à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille et leur secteur d’activité, que le design est créateur de valeur et rentable. Il crée du chiffre d’affaires, des emplois et représente une source précieuse de dialogue dans l’entreprise. C’est aussi un moyen de se projeter dans l’avenir et donc de prendre de l’avance sur son temps. Le design a enfin cette capacité à aborder tous les terrains. Il est partout. C’est le message que nous voulons faire passer.
S’il est rentable, alors comment expliquez-vous que 70% des designers français soient implantés en Ile-de-France et que, dans le même temps, 60% des entreprises du territoire n’aient jamais fait appel à un designer ?
Nous remarquons que ce sont surtout les PME et les start-up qui font partie de ces 60% d’entreprises qui n’ont jamais fait appel au design. Souvent, c’est par faute de moyens. C’est notamment le cas pour les jeunes pousses. Concernant les PME, le problème c’est qu’elles cantonnent toujours le design aux secteurs du luxe et de la décoration d’intérieur. Mais le design ce n’est pas uniquement ça. Si on veut, il peut aussi servir à une entreprise de brosses à dents.
Toutefois, les temps changent. De plus en plus de PME sont en recherche d’innovation. Ces dernières sont d’ailleurs celles qui s’en sortent le mieux, notamment à l’export car elles sont sorties d’une concurrence par les prix.
Qu’en est-il des grands groupes ?
Nous constatons aussi une hausse de la demande. Nous avons déjà travaillé avec des groupes comme GDF Suez et Société Générale. Si cela peut paraître étonnant, elles ont besoin de nos conseils car ces entreprises sont trop organisées en silos. Les strates hiérarchiques les empêchent d’avoir une vision globale.
Comment convaincre les entreprises d’intégrer le design dans leur processus d’innovation ?
Nous leur proposons gratuitement des ateliers de sensibilisation au design. Pendant un ou deux jours, nous réunissons environ 80 à 100 entreprises d’un même secteur pour évoquer avec elles des cas pratiques, appliqués à leur activité, qui leur montrent ce qu’il est possible de faire. Des success story de couples ‘entreprise-designer’ viennent également témoigner devant eux. Nous répondons à leurs questions concernant la propriété industrielle, les coûts et le temps qu’il faut compter pour mener à bien un projet avec un designer.
Cette méthode a fait ses preuves: la moitié des participants déposent ensuite un dossier chez nous pour être accompagné sur un projet avec un designer. Notre objectif est bien évidemment d’arriver à 100%.
Comment se passe concrètement votre accompagnement ?
Nous avons trois personnes qui s’y consacrent entièrement. Elles vont dans un premier temps analyser les besoins de l’entreprise. C’est une étape très importante car certaines sociétés se lancent dans cette démarche sans vraiment se rendre compte que cela nécessite un minimum de moyens financiers et humains. S’il n’y a personne pour mettre en valeur le travail du designer avec de nouvelles plaquettes commerciales, cela ne sert à rien.
Une fois ce pré-requis vérifié, nous aidons à construire un brief design, c’est à dire une feuille de route aux designers. Là aussi, c’est une étape cruciale. Un projet sur deux échoue à cause d’un brief design mal rédigé. Car contrairement aux idées reçues, il faut qu’il soit très clair et précis. Il doit tenir en une page, un peu comme un CV. Si on laisse trop de liberté au designer, il part dans tous les sens et le rendu final risque de ne plus correspondre aux attentes de l’entreprise.
Enfin, nous leur proposons une liste de 4-5 designers qui peuvent correspondre à leurs besoins et assurons un coaching tout au long du projet pour s’assurer qu’il se déroule bien.
Combien de temps et d’argent faut-il compter pour lancer un nouveau produit en collaboration avec un designer ?
En moyenne, il faut compter 16 à 18 mois. Mais ce temps est très variable. Plus le designer est associé en amont du projet, plus le projet avancera vite. D’où l’importance d’y penser dès le stade de l’idée. Côté coût, le budget moyen atteint 15.000 à 20.000 euros.
Vous lancez un appel à projets « Grandir avec le design » avec la fondation RAISE. Quelles sont vos ambitions ?
Il est national et s’adresse à toutes les entreprises qui ont plus de deux ans d’existence et 500.000 euros de chiffre d’affaires. Nous avons remarqué en effet qu’après deux ans, il y a beaucoup de start-up qui s’effondre. Or pour croître, il faut innover. Notre idée est donc de les aider à financer un projet en collaboration avec un designer pour qu’elle puisse proposer des produits et/ou services différents de la concurrence et se développer à l’export.
Exposition Design Power jusqu’au 11 juillet 2015, du lundi au samedi de 13h à 19h. Entrée libre au 11, rue de Cambrai, 75019 Paris.
Author : Laure-Emmanuelle HUSSON pour CHALLENGES