De nouvelles manifestations consacrées au design fleurissent partout dans le monde. Collectionneurs et amateurs les considèrent comme un terrain de chasse plus accessible que les foires d’art contemporain.
Le 7 mars, ils étaient plus de 3 000 à pousser les portes du Vanderborght, bâtiment moderniste du centre de Bruxelles, pour assister au vernissage de la première édition de la foire de design Collectible. Après Downtown Design, lancée à Dubaï en 2012, et Nomad, inaugurée à Monaco en 2017 et qui s’est tenue à Saint-Moritz cette année, Collectible est la dernière foire à avoir rejoint au calendrier les rendez-vous historiques comme Pavillon des Arts et du Design (PAD) et Design Miami.
Réunis pendant quatre jours dans les étages en béton du Vanderborght, dix-huit galeristes présentaient des pièces de design (du XXe siècle ou contemporain) de collection, c’est-à-dire de très haute facture ou produites en édition limitée. Des créations démarrant à 1 500 euros, soit « moins cher que du design industriel haut de gamme », souligne Clélie Debehault, cofondatrice de Collectible. Flânant entre les stands, un public hétérogène composé d’étudiants, d’amateurs de design, de publicitaires, d’architectes… « Tout le monde vient s’inspirer et respirer l’air de la créativité distillée par ces foires », explique la curatrice indépendante Maria Cristina Didero.
Il y en a de plus en plus : partout à travers le monde, ces manifestations consacrées à l’art de l’objet rencontrent un succès public grandissant, suscitant la création de nouvelles éditions. « Les foires de design sont un musée à ciel ouvert où l’on voit des pièces incroyables. Peu de curateurs de musée réalisent des expositions avec autant de belles créations », estime Armel Soyer, exposante au PAD, qui a accueilli cette année plus de 42 000 visiteurs sous sa tente du jardin des Tuileries. L’événement parisien compte aussi des éditions à Londres et Genève.
Une approche moins élitiste que l’art
Art Basel est né à Bâle dans les années 1970, mais c’est Design Miami, lancé en 2005 dans la cité floridienne, puis à Bâle l’année suivante, qui a propulsé les foires de design. « A l’époque, les pièces de design ont changé de statut, elles ont perdu leur côté purement fonctionnaliste pour devenir des objets de contemplation au même titre que l’art », explique Cédric Saint André Perrin, journaliste au magazine AD. Les galeries se sont multipliées, le design offrant une approche esthétique et conceptuelle moins élitiste que l’art : voyant le cours des œuvres flamber, les collectionneurs se tournent vers le design, moins coté, qu’ils aiment découvrir dans les foires. « Nous accueillons aussi beaucoup de millennials, qui ne peuvent pas encore acheter mais que nous invitons à baigner dans cet univers en espérant qu’ils deviennent acheteurs », confie Jennifer Roberts, directrice de Design Miami.
Les foires présentent en outre l’avantage de concentrer dans un seul et même lieu ce qui se fait de mieux. « Les clients n’ont ni le temps ni l’énergie de faire les galeries, ils préfèrent l’approche efficace et excitante d’un événement ramassé sur une poignée de jours », analyse le galeriste François Laffanour. La demande est telle que le tour-opérateur de luxe Indagare vient de lancer des voyages organisés à l’occasion des foires. Au programme, des visites de studios de designers ou de hauts lieux de l’architecture, comme la maison-atelier de Luis Barragán pour Zonamaco, à Mexico.
Afin de se distinguer les unes des autres, les foires prêtent une attention particulière à la mise en scène, plus sophistiquée que le sempiternel « white cube » de l’art contemporain. « Elles proposent des décors aboutis, inspirants, dans lesquels chacun peut se projeter », note Cédric Saint André Perrin. Ainsi, le galeriste Chahan Minassian a reconstitué au PAD un salon vintage avec tapisserie folk au mur, tapis épais au sol, céramiques, meubles en rotin et appliques imitant des palmiers… Quant à la nouvelle foire Nomad de Monaco, elle s’est tenue dans un lieu exceptionnel : La Vigie, l’une des villas les plus prestigieuses de la Principauté. « Nous proposons une expérience exclusive que les grandes foires ont peut-être perdue », s’enorgueillit Nicolas Bellavance-Lecomte, co-fondateur de Nomad. Déjà la rançon du succès.
Auteure : Marie Godfrain pour Le Monde
Vignette de l’article : Pendant quatre jours, Collectible, dont la première édition a eu lieu en mars, a présenté des pièces de design de collection au Vanderborght, un bâtiment moderniste à Bruxelles.
| Crédit Pablo Cepeda