Revue de presse » *** Le kit, c’est chic : Ikea fait sa révolution

*** Le kit, c’est chic : Ikea fait sa révolution

Avec sa communication décoincée, ses collaborations improbables, et ses promesses hautement désirables, le géant suédois du meuble a une nouvelle obsession : la hype.

Du fast au faste tout court : le mastodonte du meuble en kit est en pleine mutation. Le vintage Ikea s’impose dans les ventes aux enchères et le gros sac iconique de la marque suédoise s’offre les gros points bleus du concept store parisien Colette. Que se passe-t-il ? Nommé au prix Design of the Year 2017 à Londres, le géant du meuble a inauguré aussi un pop-up de 300 m2 dans le Marais, à Paris, les 8 et 9 septembre derniers, durant la Design Week.

La marque quitte donc la périphérie, l’ambiance des entrepôts et crée l’événement. En révélant en avant-première mondiale sa collection capsule réalisée avec Hay, la référence ultra-désirable du design danois, et quelques détournements signés par des talents comme Cécile Chaput, Atelier Hapax ou Désormeaux/Carrette. Chez Ikea, on a de l’humour. Toujours. Il suffit de repenser à l’habile réponse faite à la version luxe du sac « Frakta » de Balenciaga ce printemps (par le détournement de leur publicité) et à la joyeuse déferlante de « Frakta hacking » qui s’ensuivit sur Internet.
« L’ikea appeal »

Le hacking semble le sport préféré des jeunes et Marcus Engman le sait bien. Ce selfmade-man de 51 ans, à la tête du design depuis 2012, travaille sur « l’Ikea appeal ». Derrière sa coolitude parfaitement nordique (mèche blonde filetée d’argent et T-shirt baskets), l’enfant du pays gère le lancement de 3 000 nouveaux produits chaque année, soit un tiers du catalogue. Son flair marketing reste redoutable. A la dernière Design Week de Milan, il a eu ainsi l’idée d’investir 3 500 m2 d’entrepôts avec son Ikea Festival dont l’annonce était sauvagement placardée en ville. On découvrait des installations déjantées de designers (Faye Toogood), des performances d’illustrateurs, de musique, de food, des tables rondes… Mais aussi le futur canapé « Delaktig » dessiné par Tom Dixon.

Ce jour-là, le designer britannique a même expliqué comment « pimper » à loisir, quasiment sur un mode open source, sa banquette futuriste. Totalement décomplexant ! Non loin, des étudiants de l’Ecal (Ecole cantonale d’art de Lausanne) défiaient l’ingénieur en robotique Patric Lüthi pour vérifier si un robot pouvait rivaliser avec un humain dans le domaine artistique. Puis ce fut la projection de clips, façon superproduction hollywoodienne, annonçant les futures collaborations, collectors à coup sûr.

Devant ce spectacle, on se sent bien loin de l’ambiance austère d’Älmhult en Suède, le berceau devenu « Ikea city », et des pièces minimales très/trop inspirées d’icônes du design (on pense au tabouret « Frosta » et au fauteuil « Poäng » proches du design d’Alvar Aalto pour Artek). Marcus Engman veut changer de profil. Plus question de collaborer avec des pointures du design sans le faire savoir. La marque revendique désormais un « namedropping » qui s’enchaîne à un rythme trépidant : Ilse Crawford, Piet Hein Eek, Colette… Le tout en gardant des prix accessibles, cela va de soi. « Nous parvenons à garantir nos bas coûts en maîtrisant de façon intelligente et innovante notre production » explique Engman.
Nouvelle cible : les millennials

Ikea a toujours l’obsession du prix mais dorénavant aussi celle des millennials. Cette génération dont l’exigence chamboule la donne. « La génération des millennials a des besoins particuliers. Elles est amenée à déménager souvent, à habiter dans des villes où les logements sont beaucoup plus petits. Avec elle apparaissent de nouvelles façons de vivre. Plus qu’une génération, c’est une société qui est en train d’exploser. Et Ikea, en tant qu’observateur et facilitateur, doit répondre à leurs besoins », assure Muriel Rolland, responsable communication France.

Les initiatives visant à les séduire montent donc logiquement en puissance. On nous a annoncé en juin, lors des Democratic Design Days, une collaboration pour 2019, avec Virgil Abloh, directeur artistique de Kanye West et fondateur du label mode Off-White, autour d’une offre destinée aux étudiants et au micro-appart. Une autre avec Ben Gorham, créateur de la marque Byredo, visant à intégrer autrement les parfums dans la maison « sans que cela soit une énième bougie parfumée », précise Marcus Engman. Le collectif suédois Teenage Engineering (cofondé par Jesper Kouthoofd, créateur de la maison Acne) planche sur une table de mixage, des enceintes, une platine vinyle, des systèmes d’éclairage…
Les yeux tournés vers le futur

Encore plus inattendue : une collaboration avec la Nasa. Ikea a envoyé des designers quelques jours dans la Mars Desert Research Station, dans l’Utah (Etat-Unis), afin de régler des questions existentielles, comme celle de trouver des solutions pour vivre dans des logements exigus ou dans une station spatiale sur Mars. Les yeux tournés vers le futur, le géant garde néanmoins de solides accroches sur Terre : 80 % de son chiffre d’affaires provient de 20 % de ses hits. Définitivement dans son époque, quand Michele Clapton, la costumière en chef de Game of Thrones, révèle que les capes portées par les membres de la Garde de nuit dans la série sont fabriquées à partir des tapis « Skold » en peau de mouton. Ikea recycle l’idée en faisant circuler un patron sommaire de cape DIY façon schéma de montage des meubles. Respect.

Auteures : Anne-France Berthelon et Charlotte Roudaut pour GRAZIA

Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !

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