Revue de presse » L’économie circulaire pourrait employer un million de personnes en France

L’économie circulaire pourrait employer un million de personnes en France

Une étude indique qu’une réduction substantielle de notre consommation en ressources naturelles permettrait de créer 200.000 à 400.000 emplois supplémentaires aux 600.000 actuels. Les régions se mobilisent pour lancer des projets de territoire.

Alors que la commission de l’environnement du Parlement européen a adopté aujourd’hui un rapport sur l’économie circulaire qui en appelle à l’introduction d’objectifs contraignants pour l’efficacité énergétique et la réduction des déchets à la source, une étude estime que le potentiel de création d’emplois de ce secteur n’en est qu’à ses débuts. Les produits plus durables, réutilisables et recyclables sont aussi ceux qui mobilisent plus de main d’oeuvre. Selon l’Institut de l’économie circulaire, qui a mené cette étude, ce sont près de 600.000 personnes en France qui travaillent déjà dans ce secteur.

Les emplois concernés relèvent de sept secteurs, répertoriés par l’Ademe comme étant constitutifs de l’économie circulaire : l’approvisionnement durable ; l’écoconception ; l’écologie industrielle et territoriale ; l’économie de fonctionnalité ; la consommation responsable ; l’allongement de la durée de vie des objets ; le recyclage et la valorisation des déchets. Si l’on raisonne par « piliers », l’économie circulaire repose principalement sur le recyclage, l’allongement de la durée de vie des produits et l’approvisionnement durable, qui, selon l’étude, couvre l’ensemble des activités de protection de l’environnement, de la gestion des eaux usées à la remédiation des sols, de la récupération d’objets usagés à la production d’énergies renouvelables.

Un vaste périmètre

L’état des lieux de l’emploi dans les autres composantes de l’économie circulaire est plus difficile à établir. Ainsi, selon l’Institut de l’économie circulaire,  » l’économie de fonctionnalité, l’écoconception ou l’écologie industrielle, qui sont des disciplines étayées sur le plan académique, restent relativement peu étudiées à une échelle macroéconomique. De nombreux exemples montrent pourtant qu’un potentiel de création d’emplois important existe pour chacun de ces piliers ».

L’écoconception, qui vise à optimiser l’efficacité de l’utilisation de la matière dès la phase d’élaboration des produits, peut aussi bien être mise en oeuvre par les entreprises engagées dans les écoactivités que dans des entreprises traditionnelles. Elle permet notamment aux entreprises de limiter leur vulnérabilité aux variations de prix des matières premières tout en se positionnant comme un acteur durable auprès des consommateurs.

L’économie de fonctionnalité mise sur la vente de l’usage plutôt que du produit.  » Elle est généralement fortement créatrice d’emplois », estime l’étude. Exemple : les solutions pour les pneus des poids lourds développées par Michelin vendues au kilométrage, la vente des impressions plutôt que des imprimantes par Ricoh.

Quant à l’écologie industrielle, dont l’objectif est d’optimiser les flux de matières entre entreprises,  » il n’existe pas à ce jour en France d’évaluation macroéconomique des contributions des démarches d’écologie industrielle en termes d’emplois », mais certaines démarches sont prometteuses, comme celle de la SNCF, qui valorise les matériels roulants et les rails radiés. Selon les travaux de l’Ademe en 2011, le développement de projets d’écologie industrielle devrait permettre d’assurer la création de 1.300 emplois supplémentaires en 2020.

Des emplois non délocalisables

C’est en compilant un ensemble de données produites par l’Ademe, le CGEDD et l’ONEMEV que l’Institut de l’économie circulaire est parvenu au chiffre de 600.000 emplois déjà créés dans le secteur. L’économie verte semble moins affectée par le chômage que le reste des secteurs. Ainsi le CGEDD calcule qu’une hausse à court terme de 5 millions de tonnes de déchets recyclés pourrait créer plus de 3.000 emplois à temps plein. En revanche, l’automatisation des centres de tri pourrait supprimer jusqu’à 5.000 emplois. Au final, le bilan est largement positif, tant en nombre qu’en termes de qualité des emplois créés, car ils ne sont pas délocalisables. De fait, la vente de l’usage plutôt que de l’objet implique une proximité des fournisseurs, qui assurent localement les prestations garantissant la réutilisation des objets.

Il en va de même pour l’écologie industrielle, qui « permet d’impulser de nouvelles filières locales » et de renforcer l’ancrage territorial des entreprises. Au final, l’étude souligne que l’économie circulaire s’adresse à un large éventail de compétences et de niveaux de qualification :  » Les travailleurs les plus qualifiés ont un rôle majeur à jouer dans l’innovation et la conceptualisation de nouvelles boucles de production, tandis que des emplois de moindre qualification sont nécessaires pour entretenir les boucles de matières (collecte sélective, réparation, désassemblage et réassemblage, etc.). »

Prochaines étapes

Il reste à lancer une vaste étude prospective transversale permettant d’affiner le potentiel de création d’emplois de l’économie circulaire, secteur en pleine émergence. Plusieurs études européennes ont été diffusées, en amont de la préparation d’une directive en attente, reportée par la Commission. L’étude European Bioplastics de 2014 estime par exemple qu’il est possible de créer 100.000 emplois dans le secteur d’ici 2017. Dans le même esprit, le European Compost Network juge que l’adoption du paquet économie circulaire aurait permis d’ajouter 100.000 emplois aux 50.000 déjà existant dans ce domaine en Europe.

Pour Grégory Giavarina, directeur de l’Institut d’économie circulaire, le secteur est en pleine montée en puissance, autour de « gros projets, tels que les filiales de recyclage des anciens compteurs de GRDF, en lien avec des acteurs territoriaux et des entreprises de l’économie sociale et solidaire ». En matière d’écologie industrielle, les perspectives vont se préciser dans quatre régions pilotes (Bretagne, Aquitaine, Haute Normandie, Rhône Alpes), mobilisant 600 entreprises, afin d’identifier leurs priorités et de mobiliser les acteurs.

Au Royaume-Uni, l’étude publiée en 2015 par Morgan et Mitchell estime qu’un scénario dit de transformation, sur la base d’un taux de recyclage global de 85%, d’un taux de récupération de 50% pour les produits électroniques et les équipements, et une extension importante du secteur du réemploi et de la réutilisation aboutirait à la création de 517.000 emplois d’ici à 2030. L’extrapolation de ce scénario à la France se solderait par 440.000 emplois.

Author : Agnès SINAI pour http://www.actu-environnement.com/ [Journaliste : Rédactrice spécialisée
Agnès Sinaï est journaliste indépendante (Actu-environnement, Ecologik, Le Monde diplomatique, La Revue durable,), auteure de divers ouvrages, dont Sauver la Terre, co-écrit avec Yves Cochet (Fayard, 2003), Veilleurs de l’eau (La Découverte, 2007), et Labo-Planète (1001 Nuits, 2011, co-écrit avec Jacques Testart et Catherine Bourgain) et maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Paris]

200720151416