Revue de presse » « L’innovation, une question de mixité ! « 

« L’innovation, une question de mixité ! « 

L’innovation a-t-elle un sexe ? Autrement dit, est-elle proprement féminine ou masculine du fait d’un certain déterminisme social ? La question mérite d’être posée quand on sait que les filles représentent 17 % des effectifs dans les écoles d’ingénieurs. Tel était le thème du débat organisé le 26 avril par Acteurs de l’économie-La Tribune, en partenariat avec la Caisse d’Épargne Rhône-Alpes et bioMérieux, au Musée de Grenoble.

« Selon une étude parue en 2015, il existe des différences entre le cerveau des hommes et des femmes, dans son fonctionnement hormonal, dans sa taille . Mais ces différences anatomiques ont-elles un impact sur la créativité? Si oui, nous pouvons tous rentrer chez nous ! »

C’est par ces mots que Christine Rozand, directeur du laboratoire sur les dispositifs de diagnostic innovants chez bioMérieux a lancé le débat intitulé « Innovation, n. f. : nom féminin » organisé au Musée de Grenoble le 26 avril, en partenariat avec la Caisse d’Épargne Rhône-Alpes et bioMérieux, et animé par Claude Costechareyre. Elle tentait alors de répondre à la question : « L’innovation a-t-elle un sexe? ». Et visiblement, selon la plupart des intervenants, la réponse est négative.

« Pour innover, il faut une tournure d’esprit, lance Isabelle Guillaume, déléguée générale du pôle de compétitivité Minalogic. Il faut être curieux pour envisager et comprendre le problème à résoudre, et ensuite pour trouver les solutions. Il faut adopter cette vision à 360°. »

Or, selon elle, cette capacité n’est pas uniquement féminine ou masculine. Le genre n’aurait donc aucun impact sur l’aptitude à innover.

Innovation et déterminisme social

Plus que la question du genre, c’est bien celle du déterminisme qui semble préoccuper Christophe Such, directeur des projets innovants chez Orange. Selon lui, « il existe des facteurs déclencheurs, liés à l’environnement dans lequel évolue une personne, que ce soit un homme ou une femme. » Mais le modèle des startups viennent faire bouger les lignes, renversent ces tendances.

« Aujourd’hui, l’entrepreneuriat est aussi dans la rue. L’innovation n’est pas seulement industrielle : elle est aussi sociale. »

Malgré tout, les femmes restent sous-représentées dans les métiers innovants, comme dans le numérique par exemple, de même que dans certaines filières de formation. Ainsi, dans les écoles d’ingénieurs, elles ne représentent que 17 % des effectifs. Une différence qui peut s’expliquer par le prisme de l’éducation.

« La diversité ne vient pas de la physiologie mais bien d’une éducation différente. Je suis une histoire », détaille Séverine Le Loarne, professeure associée à Grenoble Ecole de Management.

Pour illustrer son propos, elle donne l’exemple de l’effet « boys band » observé lors du test de créativité proposé dès l’entrée au sein de certaines business schools.

« Il s’avère que les idées les plus retenues sont celles émises par les groupes de garçons, mais présentées par des filles. »

Une question de déterminisme social en somme, qui se construirait avant leur entrée dans l’enseignement supérieur, et surtout avant leur entrée dans le monde du travail. Dans le même sens, « on constate une inhibition chez les filles, qui n’osent pas entrer dans les écoles d’ingénieurs ou à Polytechnique, et à l’inverse, une forme d’assurance des garçons à entamer ces formations », continue Christine Rozand.

La clé de la mixité

Alors, l’innovation serait-elle finalement un nom masculin. Non plus. Dans une étude sur les board d’entreprises, plus les femmes sont représentées, plus la prise de risque assure un regain d’activité, grâce à une innovation de rupture.

Par ailleurs, dans de grandes entreprises classiques en expansion, « on remarque l’existence de middle managers, que j’appelle les femmes de l’ombre, raconte Séverine Le Loarne. Et ce sont elles qui sont moteurs de la transformation de l’entreprise, par exemple dans la mise en place et le développement de la stratégie numérique. »

Finalement, la clé de l’équation genre et innovation serait la mixité. Isabelle Guillaume le résume en une phrase : « Plus on mixe, plus on est en capacité d’innover. » Une idée que partage Christine Rozand :

« Il est scientifiquement démontré que ce qui pousse les hommes est l’ambition, tandis que les femmes sont plutôt motivées par une mission. C’est cette complémentarité qui crée une réelle alchimie dans les équipes. »

Cet enjeu relève directement de la « responsabilité des entreprises d’aujourd’hui », indique Christophe Such. Quitte à mettre en place des quotas, comme il en existe au sein des board.

« A priori, je n’aime pas l’idée des quotas, lance Isabelle Guillaume. Mais je me suis rendu compte qu’en politique, on voyait tout de même plus de femmes qu’avant. Et puis, il s’agit d’une manière de donner des modèles aux femmes. »

Des mentors dont les femmes manquent justement : « Citez-moi un équivalent féminin de Steve Jobs ? », interroge ainsi Christope Such. En introduction, Stéphanie Paix, président du directoire de la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes avait cité l’actrice et scientifique autrichienne Hedy Lamarr, qui révolutionna la transmission sans fil. « Mais nombre de ces femmes sont aujourd’hui inconnues du grand public. » À elles de s’imposer désormais.

Author : Par Karen LATOUR pour http://acteursdeleconomie.latribune.fr/

Vignette de l’article : Les quatre intervenants lors du débat organisé au Musée de Grenoble. (Crédits : Laurent Cerino / ADE)