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(…) TILT, l’innovation parfois doit attendre

(…) Pour vous, (le financement participatif ou crowdfunding) est probablement un nouveau mode de financement innovant, séduisant, qui a réussi sa percée et dont on attend maintenant de voir quelle ampleur il va prendre. Et si l’on vous disait que cette image que vous avez du crowdfunding correspond déjà à un modèle dépassé et insuffisamment abouti, quelle serait votre réaction ?

Tilt, qui s’appelait d’abord CrowdTilt, a été créée en 2012 à San Francisco. La startup proposait une API (interface applicative de programmation) et, à présent, une simple appli pour que chacun, entreprise ou particulier lance lui-même, à partir de son PC ou de son mobile, des appels à financer les projets qu’il porte. C’est donc du crowdfunding mais sans avoir besoin de passer par une plateforme de finance participative, ni donc de se soumettre à ses règles et tout en économisant la commission qu’elle facture.

Certes, pour les prêts ou le financement en capital en P2P, passer par une plateforme épargne la recherche, la sélection et l’analyse des dossiers à financer. Cela permet également d’accéder à un plus grand choix d’offres ou de financements. Pour les investisseurs, comme pour les emprunteurs, l’intérêt est évident. Mais dans le cas du crowdfunding, du simple appel aux bonnes volontés, éventuellement récompensées de menues gratifications ? Pour la plupart des projets, la possibilité d’attirer des financements de la part d’inconnus ou de personnes n’ayant pas d’intérêt réciproque est faible. C’est qu’il est tout simplement peu probable que les gens pouvant être effectivement mobilisés fréquentent la plateforme suffisamment régulièrement. Votre grand-mère, en d’autres termes, accepterait peut-être volontiers de financer votre projet de voyage ou le commerçant qui, dans son quartier, voudrait rouvrir la boulangerie au coin de la rue. Mais, dans la plupart des cas, elle ne sera pas au courant. Il faut donc la prévenir et si cela est relativement aisé dans le cadre familial, c’est déjà nettement moins évident pour un projet de proximité. De plus, une fois sur la plateforme, votre grand-mère ne se sentira pas forcément en sécurité, ni ne trouvera le fonctionnement très clair. Dès lors, s’il faut assurer soi-même la promotion de ses projets, pourquoi passer par une plateforme ? Autant les gérer soi-même, à travers finalement une simple cagnotte – à quoi se réduit finalement le crowdfunding dans un grand nombre de cas. Tilt s’est lancée sur cette idée et a bâti une solution très commode.

Très vite, Tilt a attiré des investisseurs de poids ; Andreessen Horowitz en l’occurrence. A ce stade, la startup a réussi à lever 67 M $. Pourtant, trois ans après son démarrage, son succès est prometteur – 300 000 financements groupés réalisés – mais pas exactement à la hauteur de l’originalité et de la commodité de sa solution. Tilt demeure assez peu connue et surtout, malgré l’alternative assez évidente qu’elle propose, n’a guère suscité l’apparition d’autres solutions comparables.

Comment l’expliquer ?

Tilt présente un cas d’innovation de rupture assez caractéristique. La startup est partie d’un modèle, celui des plateformes de crowdfunding, qu’elle a complètement transformé et repensé, en le simplifiant et en l’optimisant. Il semble néanmoins que l’intelligence collective n’avance pas si vite. Elle vient juste d’intégrer le crowdfunding, c’est-à-dire qu’elle commence juste à le regarder comme quelque chose de solide et non plus d’aventureux. Les banques, ainsi, commencent à s’y déployer. Dans ces conditions, en remettant complètement à plat le modèle, Tilt va sans doute trop vite. Il lui faudra attendre. Mais peut-être d’autres idées naitront-elles encore ou d’autres acteurs lui souffleront-ils la place. Une bonne idée ne fait pas seule une innovation. Il faut encore qu’elle trouve son moment opportun.

Author : P. ADOUX, Score Advisor, pour http://www.cbanque.com/

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