C’est un fait, L’UX design génère un impact qualitatif et financier important.
En tant qu’activité professionnelle elle suscite un fort engouement dans les économies où le poids du secteur numérique est important, depuis 2012. C’est notamment le cas en France, fortement influencée par l’exemple de la tech américaine. Au point d’éclipser d’autres métiers, comme l’UI designer (le designer d’interfaces), le designer d’interactions ou le designer de services.
Submergés par l’accroissement rapide de la demande, les agences, les PME, les grands groupes et les start-up font face à une tension durable pour le recrutement de professionnels qualifiés en UX, quel que soit leur niveau d’expérience. Cette difficulté s’illustre à plusieurs endroits et ne concerne pas seulement les recruteurs. La formation, les modes d’exercice de la profession, les salaires et l’image de la profession font face à une transformation permanente qui en rendent le suivi difficile.
Cette situation a fait de l’UX un métier en développement et un choix de carrière particulièrement attractif pour les jeunes professionnels, mais aussi pour ceux expérimentés, à la recherche d’opportunités nouvelles. Ces espoirs ne doivent pas pour autant masquer la réalité du marché. Si l’UX design ne requiert certes pas de maîtrise technique poussée, on ne s’improvise pas UX designer. Sa culture, sa démarche et ses méthodes nécessitent des compétences solides qui requièrent un long processus d’apprentissage. “Percer dans le métier” n’est pas une évidence. Ce guide a pour vocation d’aider tout ceux qui envisagent d’embrasser le métier d’UX designer à mesurer les efforts à y consacrer et à trouver les multiples chemins possibles pour y parvenir.
Les compétences & les qualités
Devenir UX designer demande de sérieuses compétences d’analyse et de synthèse, d’abstraction, d’adaptation (à l’évolution des technologies) et in fine, de formalisation. Cette dernière est souvent sous-estimée par les candidats. La capacité à traduire sa réflexion dans des solutions formalisées, c’est-à-dire qui se communiquent (le plus souvent) visuellement, est essentielle. La qualité d’un livrable se mesure à la fois par la valeur qu’il apporte en termes de réflexion et en termes de représentation graphique. Voici les principales compétences à mobiliser :
Management (au sens “techniques de direction, d’organisation et de gestion de l’entreprise”), pour développer une connaissance du contexte économique, des métiers, des modes de fonctionnement et des attentes propres à une entreprise, des enjeux UX appliqués à chaque secteur
Réflexion & conceptualisation (appliquées à la recherche utilisateur), pour comprendre et reformuler la problématique du projet, se documenter, identifier les bonnes pratiques, cerner les besoins, les attentes et les comportements des utilisateurs
Conception, pour traduire l’expression des besoins en solutions d‘interfaces abouties, décrire le fonctionnement et le comportement des interfaces, les rendre capables de “dialoguer” efficacement avec l’utilisateur
Formalisation, pour donner vie, grâce à des techniques diverses, à des diagrammes, des représentations schématiques, des documents de travail, des scénarios d’usage et des prototypes
Technique, non seulement pour maîtriser (et continuer d’apprendre) les principaux outils de formalisation et de conception, mais aussi pour saisir les opportunités et les contraintes liées à la technologie
Les qualités :
Empathie, pour se mettre en situation d’usage à la place de l’utilisateur final
Curiosité, pour questionner les utilisateurs, leurs usages, les méthodes de travail, les technologies et maintenir une veille
Rigueur, pour suivre des méthodes de travail, appliquer des conventions de conception, veiller à la qualité des éléments livrés
Culture, pour restituer les solutions envisagées dans leur contexte et mobiliser des références qui font sens
Communication, pour transmettre l’information aux équipes, être à l’écoute et développer une collaboration fructueuse
Les différents rôles UX
La définition du métier d’UX designer est loin d’être homogène, elle varie selon le contexte dans lequel il est exercé et le degré de spécialisation recherché, voire la maturité de l’entreprise (ou du professionnel). Encore aujourd’hui et pour beaucoup d’entreprises, les différents rôles de l’UX designer manquent de clarté. Il ne s’agit pas seulement d’un débat terminologique, mais d’une question de positionnement. Bien se positionner, c’est augmenter ses chances d’être repéré.
Voici un aperçu des 5 principaux rôles auxquels vous serez confrontés :
UX designer
L’UX designer développe une compréhension globale du métier de l’entreprise pour laquelle il intervient, des utilisateurs de ses produits/services, tout en mettant en œuvre les différents aspects de la démarche UX. Il s’attache à rendre l’expérience du produit ou du service aussi efficiente, agréable et satisfaisante que possible.
UX researcher
L’UX Researcher prend en charge la phase située plutôt en amont (mais pas seulement) de la conception : le recueil des attentes, la compréhension des comportements utilisateurs, à travers des entretiens, et les observations sur le terrain. Si son rôle est représenté dans le projet, il nourrit l’équipe avec les insights issus de ces activités. Il établit une synthèse et restitue les résultats. Il conduit également sur la (les) phase(s) de test(s) utilisateurs.
Lead UX designer
Le Lead UX pilote l’ensemble de la démarche et coordonne les équipes UX. C’est souvent le plus expérimenté au sein de l’équipe. Il est le garant de l’expérience proposée et définit la vision UX pour le projet. Il fixe la méthodologie à suivre, les lignes directrices de la conception et organise le travail des UX designers.
UX Architect
Un profil assez rare et encore peu répandu sur le marché français. L’UX architect développe une vision stratégique du projet, incluant une compréhension “haut-niveau” (c’est-à-dire globale) de l’expérience utilisateur du projet. Il est amené à mettre en perspective objectifs business et attentes utilisateurs, pour les faire converger dans une ligne directrice de conception. Il intervient en filigrane au long du projet pour suivre la production des livrables UX et s’assurer qu’ils adhèrent bien à la stratégie définie.
UX/UI designer
L’UX/UI designer est le profil le plus généraliste, en charge à la fois des activités de conception UX et de design (visuel) de l’interface. Son positionnement n’est pas évident car il additionne les compétences et c’est surtout la partie émergée de son travail qui est visible, c’est-à-dire l’UI. L’UI designer définit la structure, le comportement et l’apparence graphique de l’interface, à partir de la conception UX.
Sans oublier les métiers afférents, distincts et complémentaires : product designer, architecte de l’information, designer d’interaction, designer de services, visual designer
Le marché de l’emploi
Le marché de l’emploi de l’UX en France est relativement difficile à appréhender, car beaucoup de repères ne sont pas encore en place, tant du côté des recruteurs que des candidats. L’effort de projection à moyen et long termes est conséquent.
Si l’expertise de design actuellement la plus représentée est le designer d’interfaces (46 %, d’après notre Enquête sur l’emploi et les salaires du design interactif), l’UX designer compte pour près d’1/3 des professionnels du design numérique (même source). Le trio de tête des domaines d’intervention des designers interactifs est le design graphique, le design d’interfaces et le design UX.
Le design interactif est une profession jeune (près de la moitié des designers ont moins de 30 ans), dans laquelle les perspectives d’évolution sont moins claires après 40 ans. Nombre de designers seniors évoluent ainsi vers des rôles de management. Le niveau d’études est élevé, la norme se hisse au niveau Bac +5, qui constitue déjà 40 % des effectifs, ce qui donne une idée du niveau d’exigence des recruteurs.
Un volume d’offres important est publié chaque semaine pour des postes d’UX designer, de l’ordre d’une centaine pour la France entière. Ce niveau soutenu ne doit toutefois pas masquer la difficulté de faire correspondre la demande des recruteurs et les candidats disponibles. Par ailleurs, avec l’intégration de plus en plus fréquente du design en entreprise (sans doute en croissance depuis l’étude sur L’Économie du design de 2010, qui l’estimait à 40 %), un phénomène nouveau est apparu : les agences sont en concurrence directe avec leurs clients pour le recrutement de compétences UX. De fait, les grands groupes sont de plus en plus représentés dans la recherche de ces compétences.
D’après une étude sur La place de l’UX dans la stratégie des entreprises, les recrutent affirment rechercher des profils polyvalents d’UX/UI designers, des UI designers et des UX Researchers. Cet attrait pour la polyvalence nous semble le témoignage d’un marché qui cherche encore à se consolider, dans lequel les entreprises peinent à définir leurs besoins exacts. D’ailleurs, pour la moitié d’entre elles, la principale difficulté éprouvée lors d’un recrutement est l’adéquation des candidatures reçues avec les besoins du poste. Viennent ensuite la définition du poste, la longueur du processus de recrutement et enfin la question du salaire.
Les domaines d’application les plus prometteurs
Les débouchés pour l’UX design ne manquent pas, mais certains secteurs semblent déjà plus favorables que d’autres à l’éclosion du design. Ces quelques clés de lecture ne doivent pas faire oublier une concentration historique des UX designers en agence, ce qui en fait par nature un métier de conseil.
Beaucoup d’entreprises sont mises au défi par ce que l’on nomme la “bataille de l’expérience client”, en particulier dans les activités de services B2C et B2B. Dans ce contexte, l’expérience est devenue le nouveau produit ou le nouveau service, pour reprendre le fameux ouvrage de Pine et de Gilmore, The Experience economy.
Voici un top 5 des secteurs prometteurs (non, le luxe n’en fait pas partie) :
Finance, banque & assurance
Logiciels en mode SaaS (B2B)
E-commerce / distribution
Transports / automobile
Loisirs
Intégré, en agence ou en freelance ?
Idéalement en agence pour commencer (mais c’est à débattre), car c’est là qu’on apprend le plus et le plus rapidement, même si la courbe d’apprentissage est parfois rude. Pour une activité freelance, avoir quelques années de pratique derrière soi est un atout indéniable.
Les formations
Il existe plusieurs façons de se former à l’UX, en initial ou en continu, la plus pertinente étant une formation longue, d’au moins 1 année. Vous pouvez la réaliser à temps plein ou, comme c’est souvent le cas aujourd’hui, en alternance ou en apprentissage, c’est-à-dire avec des périodes pendant lesquelles vous serez à l’école et d’autres en entreprise. C’est un mode de financement plus acceptable. L’alternance permet par ailleurs une excellente intégration professionnelle.
*designers interactifs* a réalisé un recensement des formations en design interactif, voici celles consacrées à l’UX :
https://airtable.com/shrjMBIzkX05kCE8a
Les formations courtes
Les formations courtes sont intéressantes soit à titre d’initiation (exemple : UX design, panorama), soit pour compléter vos compétences existantes (exemple : les fondamentaux des tests utilisateurs). Quelques sujets sur lesquels il est intéressant de se former ponctuellement :
UX et analytics
Techniques de prototypage
Mener des ateliers UX
Design Sprint
Les Moocs
Ils vous permettent d’accéder (parfois gratuitement) à des ressources pointues et d’avancer à votre rythme. A noter, peu de ressources en français, mais voici une liste des cours en ligne les plus utiles :
Mooc Digital Media de la ville de Paris
Architecture de l’information (ENS Lyon)
UX Design fundamentals (Aquent, en anglais)
Interaction Design Foundation (en anglais, mais un vaste catalogue de cours pour 12 $ par mois)
Lynda (catalogue de cours en anglais, payant)
The School of UX (catalogue de cours en anglais, payant)
UX Week (un catalogue de vidéos issues de la conférence d’Adaptive Path)
Le réseau
Ecumer les événements professionnels
Où rencontrer des UX designers ? Un peu partout dans les meet-ups (gratuits) et dans les conférences professionnelles (souvent payantes et chères). Quelques endroits incontournables, pour éviter la dispersion :
Star d’UX (UX-Republic)
Le Laptop
Talk Design Tech (Axance)
Trouver un mentor
Si vous préférez un échange plus personnalisé, vous pouvez solliciter un professionnel senior sur LinkedIn. Nous vous conseillons de poser des questions précises (et de cibler en fonction du secteur d’activité qui vous intéresse), car il est souvent difficile de répondre à une situation personnelle sans connaître le contexte. Tout en étant conscient bien sûr du temps limité que votre interlocuteur pourra vous consacrer.
Le portfolio
Contrairement à ce que l’on peut lire ça et là sur les réseaux sociaux professionnels, oui, un portfolio est nécessaire. C’est un outil indispensable pour le candidat et pour le recruteur. Bien entendu, la confidentialité des projets ne vous permettra pas d’exposer tous vos projets. Vous pouvez réaliser un site ou un PDF, peu importe du moment que le contenu est facilement accessible pour le recruteur.
Ce qu’attend un recruteur d’un portfolio UX :
Les 4 ou 5 projets dont vous êtes le plus fier (mais pas un catalogue de captures d’écran)
Un aperçu pour chaque projet des méthodologies que vous avez mises en œuvre, tout en exposant le process suivi
La démonstration de votre capacité de formalisation sur les livrables
Des références en rapport avec le poste sur lequel vous postulez (et donc potentiellement, vous préparerez plusieurs versions de votre portfolio)
Si vous n’avez pas suffisamment d’expérience, vous pouvez :
Mettre en avant les projets réalisés durant votre formation (en le précisant)
Réaliser des études de cas en rapport avec le secteur dans lequel vous souhaitez vous positionner (oui, ça marche)
[…].
A considérer : le niveau de maturité de l’entreprise
Avant d’entreprendre votre recherche et de lancer vos candidatures, nous recommandons d’être attentif aux signes qui témoignent du degré de maturité de l’entreprise. Est-elle en mesure de bien intégrer l’UX ?
Nielsen-Norman a établi une échelle de maturité des entreprises pour l’UX, à conserver en tête.
Le salaire auquel vous pouvez prétendre
En débutant en UX, tablez sur une fourchette comprise entre 28 et 35 K€, mais vos prétentions devront être cohérentes avec votre expérience, la taille de l’entreprise et bien entendu de la ville dans laquelle vous comptez exercer (Paris : +28 % en moyenne d’après l’Insee ; Stratégies évoque 17 % d’écart entre Paris et les régions).
Sachez toutefois que les métiers du numérique sont des métiers dans lesquels on peut progresser rapidement, avec de la persévérance et de l’engagement.
Les outils incontournables
Devant la surenchère d’outils de formalisation et de conception, difficile de choisir. Les usages se concentrent toutefois sur un petit nombre d’entre eux, qui sont les standards du marché :
Sketch (pour réaliser des wireframes, des prototypes interactifs, des maquettes…)
InVision (pour réaliser des prototypes)
Adobe XD (pour réaliser des wireframes, des prototypes interactifs, des maquettes)
Adobe Photoshop (pour réaliser des maquettes)
Principle (pour animer des prototypes interactifs)
Axure (pour réaliser des wireframes et des prototypes interactifs)
Les ouvrages incontournables
En Français
1. UX Design et ergonomie des interfaces — 6e éd.
Jean-François Nogier, Jules Lerclerc, Dunod, 2016
2. Design d’expérience utilisateur : Principes et méthodes UX, 3e éd.
Sylvie Daumal, Eyrolles, 2018
3. Stratégies de design UX
Antoine Visonneau, Eyrolles, 2017
4. Méthodes de design UX
Carine Lallemand, Guillaume Gronier, Eyrolles, 2015
5. Ergonomie web, 3e éd.
Amélie Boucher, Eyrolles, 2011
En anglais
6. Information architecture, 4e éd.
Louis Rosenfeld, Peter Morville, O’Reilly, 2015
7. Mapping experiences
James Kalbach, O’Reilly, 2015
8. Communicating Design
Dan M. Brown, New Riders, 2010
9. Lean UX, 2e éd.
Josh Seiden, Jeff Gothelf, O’Reilly, 2016
10. The UX book
Rex Hartson, Pardha S. Pyla, Morgan Kaufmann, 2012
La veille
La veille est une activité indispensable à tout UX designer.
[…].
Auteur : Benoît Drouillat pour designers interactifs et Médium
Vignette de l’article : Enquête sur l’emploi et les salaires du design interactif
Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !
***** Exceptionnel, pépite
**** Très intéressant et/ou focus
*** Intéressant
** Faible, approximatif
* Mauvais, très critiquable
(i) . Informatif