Revue de presse » ** Yves Domergue, designer : “Notre industrie n’a plus rien à produire”

** Yves Domergue, designer : “Notre industrie n’a plus rien à produire”

Les écrits des designers français sont rares. Les Italiens ont abondamment théorisé leur travail à partir des années 1960, et cela a eu une immense influence.

Mais en France, on est peu loquace. La parution des Confidences de designer, d’Yves Domergue (EdiLivre, 15,50 €), est d’autant plus bienvenue. Mais son livre ne théorise pas. Ses confidences (non illustrées, hélas) sont le récit, raconté avec simplicité, de trente années d’expérience au quotidien : le concours du premier TGV, les photocopieuses qu’on lui demandait de dessiner sans jamais les fabriquer, ou encore l’identité visuelle d’une marque de chocolat.

Devenu aujourd’hui enseignant, le Normand Yves Domergue, né en 1941, est un designer industriel de la première génération. Enfant, il ne s’intéresse qu’au dessin. Tenté par les Beaux-Arts, il opte finalement pour les Arts décos sur les conseils d’un jeune peintre ami de la famille. Le voilà donc à l’Ensad, dont il rejoint la fanfare avec un cornettiste nommé Jérôme Savary…Après une quatrième année en graphisme avec pour enseignants Jean Widmer et Adrian Frutiger, Yves Domergue en reprend pour un an en design profuit, une nouvelle discipline enseignée par Roger Tallon. Le maître et l’élève ne s’entendront jamais vraiment. D’autant qu’ils deviendront concurrents. Avec son frère Alain, Yves Domergue cofonde bientôt MBD Design, agence Globe plutôt spécialisée dans le transport. Le récit de son travail sur les toilettes des trains ou les cabines de conduite des locomotives illustre très bien la réalité du métier de designer, où il faut tenir compte de multiples avis sans céder sur ses propres conceptions.

Le tramway de Marseille reste la plus grande fierté d’Yves Domergue. Avec sa proue évoquant « l’étrave d’un navire », ses « larges baies vitrées » ouvrant « sur le bleu méditerranéen », ses « persiennes intérieures » protégeant du soleil et ses sièges en bois, il atteint « l’équilibre entre esthétique, confort, technologie et usage » (belle définition d’un bon design). A quoi a tenu cette réussite ? A la qualité et à l’implication des équipes, qui, de la mairie de Marseille au constructeur autrichien, ont fait du design « l’élément moteur du projet ».

Dans la série de « cas » présentés par Yves Domergue, le designer parvient plus ou moins bien à s’imposer dans une France industrielle encore assez fermée à cette discipline. L’état d’esprit de notre pays est résumé par cet échange entre un industriel breton et ses confrères : « — Combien ça coûte le design ? — Le design, sachez-le, ça ne coûte rien. — Pardon ? — C’est la vérité et je vous explique pourquoi : si vous ne faites pas de design, votre produit est mort. Vous dépenserez beaucoup d’argent et vous ne le vendrez pas ! »

Mais aujourd’hui encore, combien d’entreprises françaises l’ont compris ? La question ne se pose d’ailleurs plus vraiment, puisque notre pays n’a presque plus d’industries. On n’y a pas compris l’importance de la qualité et de la pérennité du langage formel : « C’est cette valeur qui entretient dans le temps la reconnaissance du produit, de la marque, de l’entreprise. » « France, ton design fout le camp », conclut Yves Domergue, d’accord, au moins sur ce point, avec son maître Roger Tallon. « Dans les sphères des grandes directions des ministères, le design n’existe toujours pas. La Culture confond design et création artistique et l’Industrie design et stylisme. On lancera la Xe étude pour savoir comment le design, avec qui, pour qui, par qui ? On relancera tous les poncifs répétés depuis trente ans. »

Auteur : Xavier de Jarcy pour Télérama

 

Pertinence et intérêt de l’article selon designer.s !

Très intéressant mais beaucoup trop court !

***** Exceptionnel, pépite
**** Très intéressant et/ou focus
*** Intéressant
** Faible, approximatif
* Mauvais, très critiquable