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Innovation : un nouveau remède ?

Nous sommes aujourd’hui dans un monde où l’innovation est un moteur important de l’économie. De nombreux experts ont analysé son processus, ils ont beaucoup écrit sur le sujet et en ont tiré des outils, des méthodes et des modèles. Il y a une discipline de plus en plus abordée qui peut trouver sa place dans les leviers de l’innovation : l’intelligence économique.

Il y a peu, j’ai eu l’occasion d’échanger avec un dirigeant d’entreprise. Il dirige une structure de plus de 200 salariés et il rencontre fréquemment d’autres chefs d’entreprise. Sa vision objective sur les problématiques que ses clients dirigeants rencontrent me semblait très intéressante.

Nous évoquions la difficulté de plus en plus prononcée de tenir son rang, ses avantages concurrentiels et de ne pas se laisser prendre de court par un nouvel entrant ou même une modification forte de son marché. Nous pouvons résumer la réflexion par la question suivante : comment rester performant et agile ?

Avec pertinence, il me confiait qu’il était étonné de voir parfois de grandes entreprises évoluer en investissant très peu sur l’innovation. L’innovation pour un nouveau produit, un nouvel usage, une nouvelle organisation. Beaucoup semblait même simplement à l’écoute de ce que faisaient les concurrents. Vous admettrez que ce n’est pas une façon idéale d’envisager l’avenir d’une structure.

Les raisons fréquentes à cela sont que le dirigeant est peu convaincu par des évolutions fortes de marché, en tout cas il s’en persuade et il préfère améliorer son cash flow plutôt que d’investir avec un retour à moyenne échéance.


Le marketing n’est pas l’innovation

Une autre raison, est qu’il ne veut pas déléguer la recherche de l’innovation à une personne dédiée. Les dirigeants ont souvent la « tête dans le guidon ». La réalité du quotidien les rattrape. Mais lorsqu’ils parviennent à prendre un peu de hauteur, et cela fait partie de l’attitude d’un dirigeant, ils sont souvent convaincus par cette nécessité.

Dans certains cas, le dirigeant confie cette veille de l’innovation à une personne du service marketing. Le résultat n’est très souvent pas à la hauteur de ce qu’il attend. Non pas parce que celui qui a eu cette charge est incompétent, mais simplement parce qu’il aura une vision partielle du champ de l’innovation. L’innovation doit se penser systémique et générale et non sur un pan particulier de l’entreprise et de son marché…

Mais le dirigeant est souvent seul avec ses certitudes face à un flux d’informations de plus en plus croissant. Beaucoup d’informations qu’il n’est pas possible de vérifier, d’analyser en temps réel pour en capter toute la pertinence nécessaire à la gouvernance d’une entreprise.

Aussi, il y a un phénomène de plus en plus fréquent qu’il est très difficile d’anticiper et même de suivre : nous avons tous au moins une fois acheté un livre parce que d’autres l’ont acheté. Que ce livre sera ensuite acheté en plus grand nombre pour en faire un succès. Ce n’est pas parce que le livre est bon (juste un pré-requis souvent absent), mais c’est parce que de plus en plus de personnes en parlent avec la forte résonance de la dimension « réseau social ».

En effet, nous vivons dans un monde économique où un nombre croissant de boucles de retours d’informations provoque des événements et que ces événements engendrent d’autres événements. Nous ne sommes qu’au début de l’accélération de ce phénomène. Plutôt que se demander comment gagner un avantage concurrentiel par l’innovation, j’ai vu des directions d’entreprises se poser comme priorité de savoir comment créer ce phénomène imprédicatif et récursif : le buzz !

Le Graal pour les dirigeants qui souhaitent innover est de pouvoir anticiper, prévoir des événements ou des besoins avant qu’ils ne surviennent. J’irai même plus loin, pouvoir prévoir des évènements qui peuvent survenir justement parce qu’ils ne sont pas censés arriver. Pour ce dernier point qui mériterait un développement dédié, je vous renvoie à la lecture de l’ouvrage de Nassim Nicholas Taleb : « Le Cygne noir ».

Il y a une discipline qui se développe de plus en plus qui peut apporter de nombreuses clés à cette démarche de l’innovation pour un dirigeant et son entreprise : l’intelligence économique.

J’en suis un adepte pour une principale raison. Cette démarche ne cloisonne pas. Elle n’est pas marketing, sociologique, financière, juridique, fiscale, sociale, managériale… elle est tout cela à la fois. Je dis qu’elle ne cloisonne pas, elle lie.

Elle ne se restreint pas au prisme d’un détail, elle les utilise pour avoir le général.

L’intelligence économique ne vous dira pas s’il faut 3 boutons plutôt que 2 sur la manette de jeu de demain, mais elle vous invitera peut-être à penser un nouvel usage du jeu.

L’intelligence économique vous fera comprendre le monde dans lequel vit l’entreprise et ses clients, ses salariés, les courants de pensée, les influences internes et externes. Et j’ajouterai, une dimension subjective de ce qui est improbable, car de mon point de vue c’est là que beaucoup se jouent. Qui a pu croire probable un Internet avant qu’il n’arrive, aux objets connectés et leurs usages, au potentiel de l’impression 3D…

L’innovation c’est avant tout une vision, une démarche de clairvoyance et une sensibilité aux choses qui nous entourent. Ensuite, la structuration de l’intelligence économique permet au chef d’entreprise de s’approprier concrètement cette matière. La suite n’est que process, méthodes, tests, itérations…

L’un des domaines où l’Intelligence économique peut apporter beaucoup est le financement de l’innovation. Je ne parle pas dans ce cas de l’obtention d’une subvention ou d’un avantage fiscal. Je parle d’une démarche plus large : qui peut être partenaire financier de mon entreprise ? Où localiser l’innovation selon l’intérêt du projet ? Quelles sont les parties prenantes qui peuvent être un soutien ? Qui peut être un allier pour faire accepter une norme et la rendre universelle ?

Vous l’avez compris, il s’agit d’une démarche à très haute valeur ajoutée qui va plus loin qu’un simple rapport à remettre au dirigeant. C’est une implication profonde, car elle vous porte à l’avant avec le dirigeant, là où peut se décider l’avenir clair ou sombre de l’entreprise : l’innovation.

Author : Franck BRUNET – STRAGO / Consultant E-Business et Intelligence Economique pour http://www.lesechos.fr

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