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Les villes retiennent la nuit

Alors que les LED diffusent une lumière blanche et puissante, les designers tentent de doser l’éclairage urbain et de redessiner les ombres.

Drôle de lustre que ce luminaire reproduisant trente minutes de la lumière du film Miami Vice accélérées en cinq secondes. En 2014, Olivier Peyricot, aujourd’hui directeur du pôle recherche de la Cité du design de Saint-Etienne, n’avait pas eu cette idée par hasard.

La même année, le réalisateur de Miami Vice, Michael Mann, avec d’autres grands noms du cinéma, se révoltait contre la municipalité de Los Angeles qui commençait alors le renouvellement de son parc de lampadaires. Fini le faible halo orangé des lampes à sodium si caractéristique de la nuit hollywoodienne pour faire place à la luminosité blanche, puissante mais économique des LED… « En France aussi, il faudra bientôt mettre des lunettes de soleil pour circuler en pleine nuit dans certaines villes ! », ironise le plasticien Yann Kersalé lors du « Rendez-vous Design et Lumière » organisé début décembre à la Cité de l’architecture.

Mais dans un monde qui associe encore lumière et sécurité, comment réapprendre à affronter la nuit et redessiner de l’ombre dans les villes ? Voilà qui n’est pas un petit défi. « Cela reste difficile de faire entendre l’idée de mettre moins de lumière, de moduler plus l’ensemble », souligne Yann Kersalé, de plus en plus sollicité pour réfléchir à des schémas directeurs d’aménagement lumière comme cette année à Montreuil, en Seine-Saint-Denis.

« Le retour des faisceaux colorés »

Moins de lumière, mieux de lumière. En 2013, l’artiste new-yorkais Leo Villareal illuminait le Bay Bridge de San Francisco : entre poésie, programmation codée et cinétique, la prouesse avait été saluée. Mais le projet avec lequel il vient de remporter la mise en lumière des 17 ponts de Londres se révèle à contre-courant de la tendance à un éclairage dosé et maîtrisé. « C’est le retour des faisceaux colorés projetés vers le ciel, comme dans les stades, alors que l’on nous parle constamment de pollution lumineuse. Londres, c’était pourtant la compétition de la décennie dans le secteur… », regrette la conceptrice lumière Anne Bureau, qui travaille actuellement à l’éclairage de douze passerelles piétonnes à la Défense.

Loin de ces compétitions-vitrines, le pôle recherche de la Cité du design travaille, lui, sur l’idée d’un codesign de l’éclairage urbain, associant les habitants de quartiers ou de zones sensibles à travers des marches nocturnes et la cogestion d’une régie lumière de quartier. Une démarche qui montre à quel point la lumière peut aussi avoir une dimension politique et sociale.

Auteure : Anne-Lise Carlo pour http://www.lemonde.fr/

Vignette de l’article : Le projet « Current » de l’artiste Leo Villarreal a remporté la compétition « Illuminated River » œuvrant pour l’illumination des 17 ponts sur la Tamise. Computer renderings of Current – for Illuminated River, Leo Villareal 2016.