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L’Observeur du design 2016 : la jamesbondisation du monde

2016, an 1 du tout-connecté. L’exposition de l’Observeur du design, qui se tient comme chaque année à la Cité des sciences et de l’industrie à Paris, fait la part belle aux objets pilotables par smartphone.

L’Observeur du design, fondé en 1999 à l’initiative de l’Apci (Agence pour la promotion de la création industrielle) aborde surtout le design sous l’angle du « problem solving », ou « résolution de problèmes ». Sur le thème, cette année, de « Paysage d’aujourd’hui », il regroupe une sélection d’objets ou de services dont certains sont récompensés d’une Etoile par un jury de professionnels.

Cette année, l’exposition se présente sous la forme d’un intérieur aux murs blancs et aux multiples pièces, une bonne idée. Alors que, dans les éditions précédentes, on avait plutôt l’impression de se retrouver dans un magasin, la disposition choisie permet d’imaginer les objets dans leur contexte réel d’utilisation. Et ce qui frappe, donc, c’est l’armée des solutions connectées débarquant d’un coup. Une nouvelle époque commence (peut-être). Si Boris Vian chantait aujourd’hui, il ne parlerait plus de tourniquette pour faire la vinaigrette ou de canon à patates, mais de cafetière Bluetooth, de smart appareil de cuisson, de montre à aiguilles avec capteur d’activité, de pédale de vélo antivol avec GPS, de borne de charge connectée pour véhicules électriques, de cartons de déménagement avec QR Code, de lecteur de musique intelligent détectant à distance les goûts de l’auditeur.

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Il parlerait de moniteur nocturne faisant transiter chaque matin vers une station centrale des informations relatives au sommeil des membres de la famille, d’un dispositif d’électrostimulation corporel copilotable depuis un smartphone, d’un boitier main libre connecté au réseau wifi de la maison et permettant notamment aux enfants de passer ou de recevoir des coups de fil de proches dont le mobile est doté d’une application spécifique, d’un drone à six hélices (hexacoptère) pilotable depuis un smartphone avec GPS et caméra GoPro, d’un projecteur outdoor se pilotant par smarphone, tablette ou télécommande.

Vian parlerait encore d’un accessoire connecté mesurant la pollution atmosphérique et distillant des alertes personnalisées (aérer son intérieur pour chasser les allergènes, choisir le bon moment pour sortir faire son jogging), d’un robot compagnon à roulettes accessible au grand public avec une tablette tactile servant à la fois de tête, d’intelligence et d’interface, et enfin, d’un buffet-comptoir en chêne, verre et métal, connecté à un smartphone ou à une tablette et permettant de faire apparaître ou disparaître en un clic deux box renfermant une machine à café, des verres et des bouteilles.

Qu’est-ce qui est utile ou inutile dans cet inventaire ? Qu’est-ce qui libère ou rend esclave ? Seul l’usage le dira. On en gardera certains, on en oubliera d’autres. En attendant, les visiteurs se retrouvent en pleine mythologie d’un monde entièrement contrôlable par ordinateur, où les objets s’animent, comme dotés d’un fragment d’intelligence (mais d’intelligence non critique). Un simple clic, et le propriétaire du buffet magique ouvre un tiroir comme James Bond fait exploser des bombes en pressant le remontoir de sa montre, ou comme un playboy des années 70 rêvait d’actionner la porte de son minibar. Est-ce que c’est une révolution, une gadgétisation généralisée, ou encore le prolongement de l’ancienne idée de la maison « machine à habiter », annexe de l’usine et soumise au même processus d’automatisation et de robotisation ? A l’ère du tout-mesurable dont aurait rêvé le philosophe Auguste Comte (1798-1857), on imagine les membres de la famille néopositiviste coucher chaque soir leur corps-machine sur un lit bardé de capteurs, et, au matin, scruter avec anxiété l’enregistrement quantitatif de leur sommeil passé, avant d’attendre fiévreusement l’alerte annonçant le moment idéal pour ouvrir la fenêtre. Rêve ou cauchemar ?

Author : Xavier DE JARCY pour Télérama

Vignette de l’article : Robot compagnon Buddy, Blue Frog Robotics, Ova Design (Nicolas Marquis).

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