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Repenser sa stratégie d’expérience client avec le design thinking

Face à des logiques d’expérience clients de plus en plus complexes, le design thinking peut constituer une nouvelle approche permettant d’optimiser les différents moments, leviers et processus au travers desquels se tisse la relation à une marque.

2016 sera-t-elle une année où il sera encore nécessaire de convaincre des entreprises et des marques de l’enjeu que représente la gestion de l’expérience client ? Alors que la prise de conscience du potentiel de création de valeur que représente la gestion de l’expérience client se généralise, il est plus que jamais nécessaire d’aborder ce sujet vaste, aux contours souvent trop mouvants, au travers d’un cadre méthodologique clair et structuré. L’objectif ? Aider les marques à donner plus de substance à ce concept et à l’aborder avec une volonté d’analyse et de synthèse rigoureuse.

“Chaos is the new normal”

Au-delà des objectifs stratégiques, qui sont de mieux en mieux définis et quantifiés lorsque l’on parle d’expérience client, au-delà également du travail de clarification mené par les entreprises sur la nature des mécanismes de création de valeur au travers d’une expérience client optimisée, la majeure partie des entreprises continue à se poser des questions essentielles. Elles expliquent en partie certaines inerties internes sur ce sujet.

Comment démarrer ?
Existe-t-il réellement un point d’arrivée ?
Faut-il voir l’expérience client comme un processus continu ?
Quelles sont les adaptations organisationnelles à envisager ?

Autant de questions légitimes dans un contexte où l’on a encore du mal à réaliser l’étrange phénomène à l’œuvre lorsque l’on parle d’expérience client : celui de sa « liquéfaction ». Comparer l’expérience client à un liquide, c’est finalement lui reconnaître ce caractère infini, mouvant, entre le tangible et l’intangible. C’est également admettre l’idée que l’expérience client, comme la plupart des liquides, est sensible aux variations et à l’environnement. Le digital a achevé de déstructurer l’expérience client en tant que processus linéaire et séquentiel basé sur des étapes. Les marques doivent aujourd’hui composer avec des logiques relationnelles qui transcendent la notion de canaux, de temporalité ou de contextes d’interactions.

Peu à peu, émerge un seul et même environnement de relation entre le consommateur et la marque, où coexistent une variété infinie de transactions, d’informations, de services, d’usages, de processus et de flux de données. Sauf que les dynamiques à l’œuvre au sein de cet environnement, aussi complexes qu’imprévisibles, tendent parfois à assimiler l’expérience client à la « théorie du chaos »!

Comment réussir alors à réintroduire simplicité, réalisme et pragmatisme dans l’analyse de l’expérience client, afin d’identifier dans ce maelstrom de dynamiques antagonistes les moments clefs au cours desquels il faudra comprendre, analyser, itérer, investir afin de créer l’optimum attendu ?

C’est ici qu’intervient l’intérêt de réaborder l’expérience client au travers du design thinking.

Un IRM est une expérience client comme les autres…

Certaines innovations peuvent parfois naître dans des contextes inattendus et produire des ruptures majeures, qui contribuent à redéfinir le champ au sein duquel a pu émerger cette innovation.

Si je vous évoque les termes IRM et expérience client, vous aurez sans doute spontanément du mal à établir une corrélation directe entre ces deux sujets. Pourtant l’expérience vécue parDoug Dietz, ingénieur chez GE, est révélatrice de la puissance et quelque part de l’universalité du concept de design thinking. Il illustre bien la façon dont il peut s’exercer dans un large champ d’applications ne relevant pas nécessairement de logiques marchandes ou transactionnelles.

Doug Dietz est ingénieur et a travaillé sur l’IRM. Il a indirectement contribué à changer la vie de milliers de patients grâce à sa machine, mais a également contribué à créer, malgré lui, un appareil qui peut traumatiser les enfants (chacun comprendra qu’un enfant puisse vivre de façon complètement différente un examen d’IRM par rapport à un adulte…).

L’histoire et le cheminement vécu par Doug afin de repenser l’expérience d’un examen IRM pour un enfant de 6 ans est décrite dans cet article. Ce qu’il faut en retenir ? Quels enseignements en tirer dans un contexte d’expérience entre une marque et ses consommateurs ?

Que c’est bien l’approche design thinking qui a permis à Doug d’appréhender dans le détail et en profondeur la réalité de l’expérience vécue par cette jeune patiente, en menant un travail significatif d’analyse, de recherche constante du feed back des utilisateurs ainsi qu’un travail créatif de formulation d’hypothèses autour des modifications à apporter.

L’importance de l’empathie – la capacité à se mettre à la place de celui qui vit l’expérience et à s’approprier son vécu – est une des clés de la pensée par le design thinking.

Un découpage séquentiel et analytique de l’ensemble des étapes liées à un parcours client. Il faut conduire cette démarche avec un souci d’exhaustivité, afin de détecter et caractériser ce que fait le client, quel est l’enchaînement des actions qu’il peut mener soit de sa propre initiative et de façon spontanée, soit au travers de vos suggestions. Cette démarche doit couvrir à la fois les personnes, les systèmes et les outils avec lesquels le client peut être amené à interagir soit de façon directe (ce que nous appelons chez Oracle « l’avant-scène »), soit de façon indirecte (« l’arrière-scène »). Elle doit mettre en évidence les attitudes adoptées par le client, qui vont produire des comportements qui génèrent eux-même des expériences sur lesquelles nous souhaitons agir. Le but ultime ? Identifier les moments de rupture et les moments de vérité pour le consommateur et l’entreprise, là où se fait ou se défait la relation. La capacité à identifier ce ou ces moments de ruptures permet de cristalliser l’intérêt commun, l’objectif pour chacune des parties.

Définir et caractériser votre ou vos persona. Votre marque, vos produits, vos services, vos magasins délivrent des expériences à des êtres humains évoluant avec leur psychologie propre, leurs systèmes de valeurs, leurs intérêts, leurs besoins explicites ou implicites… Avant de considérer les dimensions liées à la productivité, à l’efficacité de vos outils, ou au ROI, il conviendra de mener un travail en profondeur autour de ce qui caractérise votre persona : Qui est-elle ? Quelle est son objectif en interagissant avec vous ? Quel est sa psychologie et son système de valeurs ? Comment détermine-t-elle ses choix et ses préférences ? Répondre à ces questions vous permettra d’éviter de tomber dans le piège du « tout technologique », l’une des grandes tentations, des grandes illusions en matière d’expérience client.

Recentrer la réflexion sur la réalité et le pouvoir des émotions vécues. L’expérience client ne peut être vue exclusivement comme un enchaînement de processus, de fonctionnalités ou de flux de données. Elle doit pouvoir être appréhendée au travers des émotions qu’elle peut générer : satisfaction, déception, étonnement, scepticisme, questionnement, joie, plaisir , confiance, défiance, réassurance, angoisse, désir… L’expérience menée par Doug Dietz le prouve dans la mesure où il n’a pas résolu le traumatisme vécu par sa jeune patiente avec plus de technologie, mais s’est avant tout attaché à travailler sur l’ensemble des émotions vécues tout au long du parcours qui mène à un examen IRM : de la réservation d’un créneau pour le rendez-vous jusqu’à l’examen le jour J.

Le coût de l’expérience client

Innover et ré enchanter par l’expérience client a-t-il un coût ? Spontanément, chaque dirigeant d’entreprise vous dira que la satisfaction et la fidélité des clients n’ont pas de prix, qu’il ne faut pas hésiter à y investir du temps, des ressources et des budgets. Or, dans les faits, cette équation économique demeure une chimère. Il convient de revenir à un certain réalisme afin de définir une expérience client économiquement viable pour l’entreprise et créatrice d’attachement entre le consommateur et la marque.

On peut toujours rêver de livrer ses clients en quasi temps réel avec un hélicoptère ou à dos de Licorne, mais notre conviction est que l’équation durable liée à l’expérience client repose avant tout sur un équilibre entre quatre composantes :

La notion de « business value », au travers de dimensions liées à la viabilité économique tels que ROI, cost of sales, coûts opérationnels, impact sur la valeur client… Elle s’exprime également sur des dimensions plus orientées business, liées à l’impact sur l’efficacité des stratégies et politiques d’acquisition, de fidélisation ou encore de différentiation pour la marque.

La notion de « désirabilité » pour le client. L’expérience client proposée par la marque repose t’elle bien sur quelque chose de désiré par le consommateur ? Va-t-il se reconnaître et s’épanouir dans le service proposé ? Cette expérience permet-elle de générer des émotions qui seront de nature à donner corps à une expérience attractive ?

La notion de « faisabilité ». La vision cible en termes d’expérience client est-elle réalisable au travers de technologies existantes ou émergentes ? Quelle cohérence avec les moyens et processus existants au sein de votre SI ? Cette vision cible est-elle en adéquation avec un agenda d’investissements à venir sur les outils ou sur de futurs recrutements ? Quid des compétences à créer ou redéployer ?

La « cohérence » avec les attributs de la marque. L’expérience client fait-elle la marque ? La marque fait-elle l’expérience client ? Question ô combien complexe, mais de plus en plus préemptée par les communicants, que ce soit les équipes internes gérant la marque au niveau corporate ou encore les conseils en stratégie de communication qui voient en l’expérience client le nouveau média de l’identité de marque. Quelque soit la réponse à cette question, il s’agira avant tout d’aligner en cohérence les valeurs de la marque avec la réalité de l’expérience délivrée. Vous êtes une marque qui revendique des valeurs de simplicité et de facilité d’usage ? Concevez et délivrez une ou des expériences en cohérence avec ces valeurs ! Quelque soit le degré de complexité lié à votre business et à la façon dont vous serez amené à concevoir votre stratégie d’expérience client, nous voyons trois grands attributs pour définir une stratégie gagnante :

Soyez engageants
Favorisez l’intuitivité
Recherchez systématiquement à être pertinent dans vos interactions

C’est donc à l’intersection de ces 4 grandes composantes que vous pourrez identifier et prioriser vos initiatives et innovations en matière d’expérience client avec pour finalité l’idée toute simple de construire et animer un principe de boucle de consommation vertueuse, dynamique, infinie et qui développe l’attachement, la valeur client dans le temps ainsi que son potentiel en tant qu’avocat de la marque.

En synthèse :

Au-delà de ce qui pourrait apparaître comme une vérité universelle (et qui ne saurait exister…) les expériences clients créatrices de valeur reposent sur un équilibre savant entre prise en compte du réel (et sur laquelle le design thinking permet donc d’apporter une nouvelle approche), créativité, excellence organisationnelle, investissements technologiques éclairés et une véritable dynamique interne portée au niveau du management de l’entreprise et qui dans les cas les plus favorables, pourra aboutir sur l’émergence d’une véritable culture client partagée en interne à l’image d’un Zappos qui demeure une référence en la matière.
Une démarche structurée autour de 5 grands principes peut vous permettre de créer et généraliser le modèle d’expérience client le plus optimal pour vos clients et votre entreprise :

1 – Identifiez et évaluez les opportunités (besoins et attitudes, challenges, points d’action et de décision…)
2 – Priorisez les expériences à adresser (moments clés, échanges de valeurs, leviers…)
3 – Créez des expériences autours des besoins (prêter attention à la scène et l’arrière-scène
Influencer les attitudes pour modifier les comportements)
4 – Testez et validez les nouvelles expériences (confirmez qu’elles fonctionnent avant de les utiliser)
5 – Déployez et comparez-les aux objectifs initiaux (alignez en cohérence collaborateurs, processus et technologies de façon mesurable)

Auteur : Roland KOLTCHAKIAN pour http://www.journaldunet.com/

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