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Trop classe, le design de ma classe !

Vendredi 4 septembre, Matalie Crasset inaugurera une école primaire bretonne dont elle a imaginé le mobilier. D’autres designers et architectes travaillent à créer des environnements en phase avec l’école d’aujourd’hui.

Un préfabriqué où l’eau coulait dru sur des tables d’un autre âge les jours de pluie… Excédées par les conditions dans lesquelles étudiaient leurs élèves, les enseignantes d’une école primaire de Trébédan, un village ouvrier des Côtes-d’Armor, ont planché sur une école idéale. Les réflexions menées avec les enfants ont fait émerger un établissement adapté à leur pédagogie originale, qui prône « l’autonomie et la créativité comme clés de voûte de l’enseignement », explique Nolwenn Guillou, directrice de l’école de ce village rural.

C’est dans le cadre de l’action Les Nouveaux Commanditaires, soutenue par la Fondation de France, qu’elle a contacté la designer Matali Crasset, qui a tout dessiné, des classes à la médiathèque, en passant par la montgolfière en bois de la cour et le mobilier, fabriqué par un menuisier des environs. « Produire localement des projets singuliers ne revient pas plus cher qu’acheter du mobilier sur catalogue. A Trébédan, le projet est né in situ », se réjouit Matali Crasset, qui viendra inaugurer l’école Le Blé en Herbe vendredi 4 septembre 2015.

Si les établissements scolaires ne sont pas tous en aussi mauvais état, la plupart des salles de classe n’ont cependant guère évolué depuis les années 1980, date du dernier gros chantier de rénovation du mobilier scolaire. Depuis, à l’exception des tableaux numériques interactifs en cours d’installation, chaises et bureaux en contreplaqué et tables en mélaminé restent omniprésents dans les établissements de l’Hexagone.

« Plutôt que de se focaliser sur l’informatique, mieux vaudrait développer des espaces flexibles adaptés à de nouvelles pédagogies, avec une prise en compte des flux, du corps et des interactions spatiales et sociales », estime Brigitte Flamand, inspectrice générale de l’éducation nationale responsable du design et des métiers d’art.

Voilà pourquoi, dans le projet de refondation de l’école en 2012, Vincent Peillon, alors ministre de l’éducation nationale, avait inclus l’aménagement des classes. A cette occasion est né le prix Jean Prouvé, qui invite les designers à repenser le mobilier scolaire. Des projets sélectionnés – le mobilier mobile d’Unqui Designers pour le primaire ou les ensembles multifonctions de Prism Design Studio pour favoriser le travail en groupe des collégiens – ont ainsi été proposés aux collectivités territoriales par l’UGAP (la centrale d’achat du mobilier public). « Ce mobilier, qui permet de modifier la configuration d’une classe en quelques minutes, doit être porté par un projet pédagogique, lequel est encore en réflexion au ministère », précise Wilfried Boudas, directeur des achats à l’UGAP.

A une époque mettant en avant l’ergonomie, le nomadisme et l’autonomie, l’environnement et les apprentissages scolaires doivent se montrer en phase. Le designer Konstantin Grcic s’est ainsi inspiré de la nouvelle pédagogie allemande, qui laisse une plus grande liberté de mouvement aux enfants, pour livrer la Pro, une chaise légère et solide qui permet de changer de posture, et même de s’asseoir à califourchon. Déclinée de la maternelle au lycée, elle est éditée par Flötotto.

Coller aux besoins des enfants

Le duo anglais Barber & Osgerby a, pour sa part, dessiné Tip Ton (Vitra), un siège qui bascule vers l’avant (voir ci-dessous) : cette posture, en améliorant la circulation sanguine, favoriserait le maintien en éveil. Le projet de Matali Crasset se veut, lui, plus ambitieux. « On a repensé la globalité du lieu, architecture et mobilier, car les deux sont complémentaires », précise Brigitte Flamand.

Une approche que le Danois Arne Jacobsen avait commencée dès 1955 avec son école Munkegaard, conçue à partir des besoins des enfants. Dans le même esprit, l’architecte japonais Takaharu Tezuka a réalisé récemment à Tokyo une école circulaire composée de classes sans murs.

Il arrive cependant que les designers soient trop en avance sur leur temps. Avec ses tablettes pouvant s’assembler pour former un tableau numérique et ses tabourets-culbutos, le projet En Archipel, pensé pour le collège par Eliumstudio, s’est révélé trop avant-gardiste. « Même s’il n’a pas encore suscité l’intérêt des industriels, il a fait avancer les choses », estime cependant la chef de projet Anne Klepper. Toutes ces initiatives montrent en tout cas qu’il y a urgence à redessiner l’école de demain.

Author : Marie GODFRAIN, journaliste au Monde

Vignette de l’article : Une salle de classe de l’école primaire Le Blé en Herbe, à Trébédan, dans les Côtes d’Armor, entièrement repensée par la designer Matalie Crasset Philipe Pitron

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Photos : 1 – En 2015, Prism Design Studio a reçu le prix Jean Prouvé, qui récompense des créations pour le mobilier scolaire. Prism Design Studio – 2 – Unqui Designers a reçu en 2015 le prix Jean Prouvé, qui récompense des créations pour le mobilier scolaire. Unqui Designers – 3 – Barber & Osgerby propose la chaise à bascule Tip Ton. Marc Eggimann/Vitra – 4 – Le projet « En Archipel » d’Eliumstudio. Colombe Clier/VIA 2014