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La French Tech est championne de la mobilité numérique… et ce n’est pas un hasard

Dans l’ombre des objets connectés ou de la fintech, se cache une filière française très dynamique, celle de la mobilité numérique. Pour preuve, en septembre 2015, BlaBlaCar, le numéro un mondial du covoiturage, levait 177 millions d’euros. Un record. Valorisée à 1,4 milliard d’euros, la start-up devenait une « licorne » (une PME non cotée valorisée plus de 1 milliard de dollars), la ­deuxième en France avec Criteo. La SNCF, de son côté, propose à ses usagers de partager leur véhicule avec Ouicar. Derrière BlaBlaCar et la SNCF, c’est tout un écosystème à la croisée des transports et du numérique qui s’épanouit.

LE PRÉCURSEUR VELOV

Il faut dire que la France a mêlé très tôt les deux thématiques. Dès 2005, Lyon imaginait le Velov, premier système de vélos en libre-service au monde. Son succès a fait boule de neige dans le monde entier. Même si c’est finalement le nom du Vélib’ parisien de JCDecaux qui s’est imposé en France comme marque générique du partage de vélos. Les Autolib’ de Bolloré, lancées en 2011, ont été imaginées trois ans plus tôt.

L’idée de la première plate-forme web de covoiturage, qui allait devenir BlaBlaCar, est née encore plus tôt, en 2004. Certes, la start-up a changé plusieurs fois de stratégie avant de trouver son modèle économique. Mais elle a créé un dispositif de vérification de l’identité et défini un code de conduite pour rassurer conducteurs et passagers qui fait mouche. Plus de 20 millions de blabla­caristes sillonnent désormais la France. On peut aussi citer Captain Train, qui défie Voyages-SNCF.com depuis 2011 avec un service simple et performant de vente de billets. Et qui, comme BlaBlaCar, s’épanouit déjà au-delà de nos frontières.

CHAMPIONS DU COVOITURAGE ET DU PARTAGE DE VÉHICULE

Du covoiturage au partage de véhicules, il n’y avait que quelques kilomètres à parcourir et quelques années à ­franchir. OuiCar, lancé dès 2009 et dans lequel la SNCF a investi, et Drivy, créé en 2010, occupent ce terrain avec succès. Le second offre même aux propriétaires et loueurs de véhicules la possibilité de se passer d’une rencontre physique grâce à leur smartphone, utilisé non seulement pour la transaction mais aussi pour l’ouverture et la fermeture du véhicule en début et fin de location.

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DYNAMISME DU PLAN « SANS CONTACT »

Longtemps frileux, voire quasiment résistants, les grands opérateurs de transport se piquent désormais d’être des acteurs numériques en pointe. Début décembre, la RATP et la SNCF se sont associées avec Orange et Gemalto pour créer Wizway, une coentreprise qui mettra à disposition des voyageurs un système de réservation et de validation de titre de transport sans contact. Wizway est le résultat d’un travail acharné de près de deux ans dans le cadre du plan industriel « Services sans contact » piloté par le patron de Gemalto, Olivier Piou [lire l’entretien ci-contre]. La voie est tracée. Des opérateurs de transports régionaux devraient annoncer prochainement leur ralliement à la plate-forme. Keolis, lui, a préféré investir dans la start-up britannique Masabi, le leader mondial du « mobile ticketing », qui a déjà déployé sa solution à Athènes, à Londres et à New York.

LA RELÈVE SÉDUIT L’INDUSTRIE

Mais les start-up historiques et les grands acteurs des transports ne sont plus seuls en piste. Depuis quelques mois, une myriade de nouvelles entreprises éclôt dans le sillage des BlaBlaCar, Drivy, OuiCar, soit pour des usages verticaux, soit pour des usagers ou des véhicules spécifiques. Wheeliz, MOPeasy et Karos se voient ainsi en BlaBlaCar ou en Uber du handicap, du véhicule électrique, de la courte distance. Même les jets ont leurs plates-formes de partage avec Cojetage ou Wijet. Ce dernier a d’ailleurs séduit un autre acteur traditionnel, Air France, qui propose son service à ses passagers de première classe.

UN ÉCOSYSTÈME SPÉCIFIQUEMENT FRANÇAIS

Du côté de l’industrie automobile, on s’agite aussi. Ainsi, France Craft a conçu un véhicule électrique modulaire homologué M1 (véhicule conçu et construit pour le transport de personnes et comportant, outre le siège du conducteur, huit places assises au maximum). L’idée : proposer une voiture à 20 000?euros assez simple pour être montée par un garagiste local, personnalisable selon les besoins et réparable à l’infini !

Pour Paulin Dementhon, le PDG fondateur de Drivy, l’une des raisons du développement de la mobilité numérique française réside dans les infrastructures disponibles en France. Autoroutes, voies ferrées, lignes de métro, de bus et de tramway ont accoutumé les voyageurs à une mobilité multiple. C’est pourquoi les Français aiment se déplacer par tous les moyens. Et si possible avec leur smartphone en main. Adepte de la multimodalité, du numérique et, de plus en plus, du développement durable, la population a rapidement adhéré.

Les usagers des transports en commun et du train qui, depuis des mois, rêvent de pouvoir organiser leurs voyages de bout en bout depuis leur smartphone ont motivé la création d’un Wizway. L’engouement immédiat des citadins pour le service d’Uber pousse aussi les taxis vers davantage de numérique. Jean-Daniel Guyot, le fondateur de Captain Train, ajoute que « « la population française se déplace de plus en plus. Dans des proportions inimaginables ». Une bonne nouvelle pour cette french tech qui a la bougeotte.

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« Le consommateur veut son billet sur son mobile », selon Olivier Piou, DG de Gemalto, chef de file du plan industriel Services sans contact
Voyez-vous la combinaison mobilité et numérique comme une force pour la France ?
Comme pour les fintechs, il y a un intérêt et une capacité d’innovation dans les transports. Nous sommes intéressés par les transports en commun alors que les Américains préfèrent leur voiture ?! Certes, tout est encore bridé par la structure du millefeuille régional avec différentes autorités à tous les niveaux, la SNCF, la RATP, le Stif… Ce sera long, mais cela va évoluer.
Le joint-venture Wizway sera une plate-forme de billettique mobile sans contact pour tous les transports??
Oui. La SNCF veut proposer les trajets de bout en bout, la RATP veut dématérialiser les tickets et supprimer les portillons mécaniques qui leur sont dédiés. Et le consommateur, lui, veut recevoir son billet sur son mobile quelle que soit l’application depuis laquelle il le commande. Ainsi, il l’aura avec lui en toutes circonstances.
Cette plate-forme sera-t-elle ouverte à d’autres services ?
Les quatre créateurs ont été les plus «?accrochés?» au projet, mais l’idée est bien celle d’une plate-forme ouverte à tous ? : Voyages-SNCF.com, Expedia…

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Les données des transports enfin libérées : « Les données des services réguliers de transport public de personnes et des services de mobilité sont diffusées librement, immédiatement et gratuitement en vue d’informer les usagers et de fournir le meilleur service. » À la lecture de l’introduction de l’article de la loi Macron –?dont le décret reste à publier?– sur l’ouverture des données de transport, nul doute que les acteurs du numérique qui s’intéressent à la mobilité ont poussé un soupir de soulagement. Car les opérateurs historiques ont longtemps refusé de partager des informations essentielles telles que les horaires de passage, les tarifs, les arrêts en temps réel. Une attitude qui a freiné durant des années le développement de services, notamment ceux associés à la multimodalité.

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Author : Emmanuelle DELSOL pour L’Usine Digitale